lundi 26 janvier 2015


Des fantômes dans le no man's land ! 


Pour ce premier post de 2015, année du centenaire de l'expédition des Dardanelles, le blog se penche sur le cinquième chapitre intitulé "Apparitions extraordinaires et disparitions ordinaires". Les icônes vont encore y changer de mains plusieurs fois, la mort frappant les possesseurs de ces objets. Benhamou et N'Diaye, avant de périr, vont cependant vivre des phénomènes extraordinaires avec l'apparition de spectres dans le no man's land...
   

Ce cinquième chapitre commence lors de la soirée du 23 juin 1915, alors que le  le 2e RMA est en première ligne depuis la veille au soir. Le secteur est calme et les hommes se relaient pour effectuer des tours de guet afin de surveiller la tranchée turque. Benhamou effectue le sien peu avant minuit. Il se met en place et observe les lignes turques. Fatigué par la dureté des journées dans la tranchée et souffrant d'un sommeil agité depuis qu'il est en possession des icônes, Benhamou parvient néanmoins à ne pas s'endormir.
No man's land situé entre des lignes australiennes
et allemandes dans un secteur d'Ypres (Belgique) en octobre 1917
(Wikimedia Commons - Australian War Memorial)

Au bout de 30 minutes de guet environ, il aperçoit à la jumelle une vingtaine de silhouettes circulant dans le no man's land. Elles avançaient parallèlement aux tranchées, à mi-distance des lignes turques et françaises. Il remarque que l'allure de ces silhouettes était étrange, elles se déplaçaient lentement et avec aisance, sans se soucier du terrain et des tranchées. Benhamou comprit que ce n'était pas des soldats. Il distingue comme une lueur autour de ces silhouettes. Il constate également que ni les Turcs ni les Français ne semblent les voir. Il était apparemment le seul à apercevoir ces êtres, ce qui ne le rassurait pas. D'autant plus qu'il voyait que ces silhouettes se dirigeaient maintenant vers lui... 
Soldat français lançant
une fusée éclairante en 1915,
photo de presse, agence Meurisse
(Wikimedia Commons -
Bibliothèque Nationale de France)

Le zouave était désormais convaincu qu'il s'agissait de spectres. Il donna l'alerte  et demanda à un autre guetteur d'expédier une fusée éclairante. Cette sentinelle ne voyait rien mais accepta finalement de lancer une fusée. La lumière artificielle révéla un no man's land vide de toute présence. Benhamou resta, lui, possédé par ses visions et s'empara de son fusil avant de tirer l'ensemble des balles qu'il contenait. L'autre sentinelle ne comprenait pas sur qui il tirait, et Benhamou criait et affirmait que ces fantômes venaient le chercher.

Les autres zouaves tentèrent de le calmer mais il n'entendait rien. Il fallut qu'un lieutenant l'interpelle pour qu'il réagisse enfin et comprenne que personne d'autre que lui
ne voyait ces spectres. Il dut s'expliquer auprès de l'officier . Le lieutenant lui passe un bref savon qui fut interrompu par l'intervention du capitaine Saudal qui avait lui aussi entendu les coups de feu de Benhamou. Le capitaine demandera simplement un rapport sur l'incident, mais le lieutenant menacera encore Benhamou de mesures disciplinaires. Le zouave fut ainsi relevé de son poste de garde.

Benhamou alla se reposer dans la tranchée, certain des visions qu'il avait eu, même si personne d'autre n'avait vu quoi que ce soit. C'est auprès de Lacourt qu'il s'installa pour se reposer et discuter de ce qui lui était arrivé. Il lui raconta qu'il était convaincu d'avoir vu des fantômes et qu'il lui semblait qu'ils portaient des vêtement amples, comme des tenues de religieux. Lacourt, qui avait vécu avec lui une expérience paranormale dans le caveau, n'en était pas étonné et accorda du crédit aux dires de Benhamou.

Benhamou était convaincu que la péninsule était hantée et qu'il fallait la quitter sans tarder. Lacourt tenta de le calmer et lui conseilla de se reposer. L'Algérois reconnut que c'est finalement N'Diaye qui avait raison : ils n'auraient jamais dû pénétrer dans le caveau et emporter les icônes. Elles étaient certainement maudites. Lacourt lui demanda alors de les lui céder, mais Benhamou refusa, préférant attendre malgré tout d'avoir l'occasion de les vendre. Il se coucha ainsi de mauvaise humeur et inquiet. 

Le lendemain, le 2e RMA fut relevé par le 8e RMIC. Les zouaves durent donc s'extraire de la première ligne pour rejoindre l'arrière. Une manoeuvre relativement risquée pendant laquelle les soldats sont exposés aux tirs turcs. Pendant ce parcours de retraite, un soldat fut touché lors d'un passage à découvert. Benhamou vint porter secours au malheureux. Il parvint, malgré les tirs turcs et un obus de shrapnel qui éclata à proximité, à le mettre à l'abri. Il commença à lui parler et à le rassurer. Mais il cessa rapidement de parler, se sentant défaillir. Il ne s'en était pas rendu compte mais des éclats de shrapnel l'avaient touché dans le bas du dos et il perdait beaucoup de sang.    
     
Lacourt vint le secourir tandis que l'autre blessé était pris en charge par un autre soldat.. Il porta Benhamou sur son dos jusqu'à la deuxième ligne tenue par le 7e RMIC. Dans la tranchée N'Diaye vint les trouver. Il échangea avec Lacourt sur l'état de Benhamou qui était en train d'agoniser même s'il pouvait encore parler . Il eut d'ailleurs quelques échanges avec Lacourt. Il reconnut ensuite N'Diaye à proximité et lui reparla des icônes et de leur caractère maudit. Il lui dit qu'il aurait mieux valu ne pas y toucher et les laisser là où elles étaient, chez les morts. Elles n'apportaient que le malheur et la scoumoune.

Il expira dans les bras de Lacourt. Ce dernier finit par fouiller dans la besace de Benhamou et y récupéra le coffret aux icônes. N'Diaye réagit alors pour l'en dissuader et et le convaincre de le lui remettre afin qu'il aille le redisposer là où il avait été trouvé.A contre-coeur, Lacourt finit par accepter. Le coffret aux icônes se retrouve ainsi aux mains d'un nouveau propriétaire. 
Charge de soldats britanniques de la Royal Naval Division,
lors d'un entraînement sur l'ïle de Lemnos.
Photo tirée d'un article de The War Illustrated du 31 juillet 1915
(Wikimedia Commons - Australian War Memorial)
Le général Henri Gouraud au Maroc,
amputé du bras droit
après sa blessure aux Dardanelles
Photo tirée du journal "Lectures pour tous"
du 15 février 1917 (Wikimedia Commons - Sebb)

Le chapitre continue ensuite avec une transition quelques jours plus tard, le 30 juin, date de la quatrième offensive sur le ravin du Kéréves Déré. Une journée qui vit quelques succès britanniques mais aussi des contre-attaques turques contre l'Anzac (Australian and New-Zealander Army Corp). Toutes ces opérations firent encore plusieurs milliers de victimes sans véritables progrès notables. 

Côté français, on déplora ce jour-là la blessure du général Gouraud, le chef du corps expéditionnaire d'Orient. Il fut touché par un obus turc tiré de la rive asiatique qui lui fera perdre un bras... Il sera remplacé par le général Bailloud. Le front des Dardanelles était si mince que même l'état-major n'était pas à l'abri des tirs ennemis. Les Britanniques avaient perdu, par exemple, le général Bridges, tué dès le 15 mai... 

Le chapitre se poursuit début juillet où l'on retrouve le 7e RMIC, où évolue N'Diaye, qui est en première ligne. Après le repas, le tirailleur prend du repos dans la tranchée et s'endort d'un sommeil relativement agité. Vers le milieu de la nuit, encore endormi, il entend une voix l'appelait. Elle était en wolof, sa langue maternelle, et elle lui était familière. Il finit par reconnaître la voix de sa mère, laquelle était décédée seize ans plus tôt... Personne d'autre que lui ne semblait l'entendre... 

Il chercha d'où venait la voix et il en trouva l'origine dans le no man's land à une quinzaine de mètres de lui : il vit sa mère assise sur un rocher ! Elle l'invitait à le rejoindre. Il grimpa par dessus le parapet tout en l'appelant lui aussi. 

Les autres tirailleurs le hélèrent pour qu'il revienne immédiatement se mettre à l'abri. N'Diaye ne les entendait pas et restait pris par sa vision. Il comptait rejoindre sa mère et cela était le plus important. Sa sécurité devenait secondaire et il était dangereusement exposé. Au moment où il allait serrer sa mère dans les bras, le spectre de celle-ci s'évapora soudainement. Il fut bien vite repéré par les guetteurs turcs . Un fusée éclairante est rapidement envoyée et révèle aux tireurs turcs le tirailleur seul face à eux. Une mitrailleuse fut activée, balayant le malheureux Sénégalais. Dans la tranchée française, c'était l'incompréhension. Certains pensaient que N'Diaye s'était suicidé, d'autres qu'il avait perdu la raison.  

Ces histoires de revenants dans ce no man's land sont l'oeuvre de mon imagination d'auteur, mais il est en revanche un témoignage sur l'apparition d'un fantôme sur le champ de bataille de Gallipoli qui est, lui, parfaitement authentique... Il s'agit d'un archéologue américain qui, au début des années 50, alors qu'il bivouaquait un soir dans les collines de la péninsule de Gallipoli, aperçut au loin une silhouette tirant un âne lequel semblait porter un corps... intrigué, l'archéologue l'appelle mais n'obtient aucune réponse et les voit s'éloigner, il tente de les rejoindre sans y parvenir. La même scène se reproduit le lendemain, il voit que le corps sur l'âne porte des bottes en cuir, comme un militaire, mais ne parvient toujours pas à les rejoindre. Il revivra la même scène plusieurs jours durant !  Puis, quelques années plus tard, en 1968, l'archéologue rendra visite à un ami anglais philatéliste. Ils ont une discussion au sujet de son passage à Gallipoli et son ami lui présente alors des timbres australiens de sa collection commémorant cette bataille qui est un mythe dans ce pays. Et là, l'archéologue est stupéfait : il voit très exactement sur un timbre la vision qu'il avait eu quinze ans plus tôt à Gallipoli. Un timbre arborait en effet un infirmier australien tirant un âne qui portait un soldat blessé !
Simpson et son âne portant un soldat blessé à la jambe,
en avril ou mai 1915 (Wikimedia Commons - J.A. O'Brien
)
Cet infirmier d'origine anglaise est une légende en Australie et se nommait John Simpson Kirkpatrick. Grâce à son âne, il avait réussi à sauver des dizaines de blessés qui auraient certainement péris sans son intervention. Simpson a malheureusement trouvé la mort en mai 1915, touché par des éclats d'obus turcs et fut enterré dans les collines... probablement près de l'endroit où l'archéologue apercevra son spectre 35 ans plus tard. 


Soldats de l'ANZAC récupérant des corps dans le no man's land
lors de la trêve du 24 mai 1915
(Wikimedia Commons - Australian War Museum)
Le corps de N'Diaye resta dans le no man's land et ne fut pas récupéré par les tirailleurs lorsqu'ils quittèrent la première ligne pour l'arrière. Le corps était difficile à récupérer dans un secteur exposé aux tirs turcs. Aucune trêve n'ayant été convenue entre les deux camps pour récupérer les corps, comme cela avait été le cas, par exemple, le 24 mai, il fallut avoir recours au volontariat. 

Ce sont des hommes du 2e RMA qui s'en chargèrent, les zouaves de ce régiment venant de monter en première ligne. Parmi les volontaires qui ramenèrent les cadavres les plus proches de la tranchée française, on dénombra Lacourt. C'est lui qui finit par découvrir et récupérer le corps de N'Diaye. Malgré quelques tirs ennemis, il prit le temps de chercher le coffret aux icônes dans le sac du tirailleur. Le parcours de ces objets se poursuit ainsi avec un nouveau possesseur, le quatrième depuis leur découverte...

L'ambition de Lacourt est de les remettre à sa hiérarchie. Ce sera l'objet du prochain chapitre et du prochain post...

A bientôt 

Olivier.       












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