jeudi 15 octobre 2015


Suivez Lacourt durant son évacuation et traversez la Méditerranée à bord de paquebots reconvertis en navires-hôpitaux !




Pour ce nouveau post, nous retrouvons Pierre, blessé et isolé dans le no man's land. Touché grièvement à l'épaule, il va être pris en charge par des brancardiers à la faveur de la nuit. Dirigé vers l'arrière, à l'hôpital de campagne de Seddul-Bahr, puis transporté sur un navire-hôpital à bord duquel il sera opéré puis évacué vers Toulon... avant d'être finalement réorienté vers la Tunisie... Pierre connaît une évacuation qui prend des airs de périple dans ce huitième chapitre intitulé justement "Les péripéties d'une évacuation"... 

Au début du chapitre, Pierre est à demi-inconscient dans son trou d'obus suite à sa blessure (voir post précédent) et la journée touche à sa fin. Il souffre et craint de mourir là, mais il a le mince espoir d'être secouru par les Français dont la deuxième ligne est proche. Il tient aussi en pensant à Madeleine, sa bien aimée. 

Une fois la nuit tombée, fatigué et désespéré, il finit par s'endormir. Pour peu de temps, puisqu'il est rapidement réveillé en sursaut par deux hommes : des brancardiers sénégalais. Ils lui portent assistance, lui donnent à boire avant de l'évacuer vers le poste de secours le plus proche, en essuyant quelques coups de feu turcs sans dommage. Il y reçoit les premiers soins par un infirmier qui l'ausculte et le prend en charge. Ce dernier remplit ensuite une carte rose : une fiche de diagnostic qu'il attache autour du cou de Pierre. Il y précise que le blessé est évacuable vers l'hôpital de campagne de Seddul-Bahr.
Soldats britanniques conduisant une ambulance hippomobile
tractée par des mules, aux Dardanelles en 1915 (Agence Rol - BNF Gallica)

Pierre est dans un état critique, il est aussitôt chargé et transporté dans une ambulance hippomobile. Un transfert rendu éprouvant par le terrain difficile et par la nervosité des bêtes effrayées par les coups de feu et les explosions dans les environs. Ils finissent par rejoindre l'hôpital auxiliaire de campagne n°9, situé dans le fort de Seddul-Bahr. Le lieu est bondé de blessés ou de mourants, et les brancardiers ne savent pas où déposer Pierre. Un médecin leur indique que l'hôpital est surchargé. Il examine brièvement Pierre, remplit une nouvelle carte de diagnostic et recommande de l'orienter vers Moudros, un port sur l'île de Lemnos, située à une soixantaine de kilomètres à l'ouest du détroit. Les alliés y ont installé une importante base arrière. 

De nouveau déplacé sur un brancard et conduit jusqu'à une navette, il rejoint, en compagnie d'autres blessés, Moudros dans la nuit. Arrivé là-bas, on le conduit directement à bord du Canada, un navire-hôpital qui mouillait là, sans même passer par la base. Epuisé, Pierre dût attendre longtemps avant d'être enfin pris en charge. Ici aussi, les équipes médicales étaient dépassées par l'afflux massif des blessés. C'est le médecin-major Defressine, médecin chef du navire, qui l'ausculte en personne. Il le fait conduire immédiatement en salle d'opération.

L'intervention est effectuée juste à temps pour le sauver. A défaut, il aurait trépassé et son corps aurait été jeté à l'eau, au petit matin, après avoir été lesté de barres de fer, comme tous ceux qui décédaient à bord. 
Le Canada à Salonique en septembre 1916,
dans sa configuration de croiseur auxiliaire pour le transport de troupes
(Imperial War Museums - French World War Official Exchange Collection)

Le Canada était en fait un paquebot reconverti en navire-hôpital. Il appartenait à la compagnie Cyprien Fabre et fut mis en service en février 1912. Réquisitionné par l'armée en août 1914, il fut aménagé pour accueillir 650 lits et fut affecté au front d'Orient à partir de mai 1915. Il assura ce service jusqu'en avril 1916, avant d'être de nouveau reconverti, en croiseur auxiliaire cette fois. A cet effet, il fut équipé de six canons de 75. Il sera restitué en juin 1917. Le Canada aura permis d'évacuer près de 7 600 blessés ou malades durant l'année pendant laquelle il fut utilisé à des fins sanitaires. 

Quelques jours plus tard, le navire-hôpital prend la mer. Le plein de blessés ayant été fait les jours précédents, notamment suite aux combats des 12 et 13 juillet qui ont fait énormément de victimes. Pierre fait partie de ceux-là. Son état est stabilisé mais reste sérieux, au point qu'il est éventuellement question de l'amputer. Pierre s'y oppose malgré les risques. Bien qu'éprouvant, le voyage jusqu'à Toulon est sans histoire. Pierre est dirigé vers l'hôpital militaire de la ville, il pense alors que son périple va enfin s'achever là. Malheureusement pour lui, l'hôpital est saturé. Dans un premier temps, il est décidé de le conduire, avec d'autres blessés, à Marseille par le train. 


Carte postale illustrée d'une photographie du Duguay-Trouin
dans sa configuration de navire-hôpital durant la Grande Guerre
(coll° Pierre Berrue - navires-hopitaux.blogspot.fr)
Finalement un contrordre l'oriente vers un autre navire-hôpital : le Duguay-Trouin qui doit se rendre à Bizerte, en Tunisie, avant de rejoindre la mer Egée. Cet ancien bâtiment de transport de marine a été transformé à l'été 1914 en navire-hôpital et dispose d'une capacité de 660 lits. 

Pierre doit donc subir une nouvelle traversée mais son état le permet. On lui trouvera certainement là-bas un lit disponible dans un hôpital. Arrivé à Bizerte, Pierre et les autres blessés sont ensuite acheminés jusqu'à Tunis. Pierre y sera admis à l'hôpital bénévole N°1 bis. Il s'agit d'un établissement temporaire qui a été installé dans les bâtiments de l'Ecole Coloniale d'Agriculture de Tunis, au nord de la ville, sur la route de l'Ariana. Aujourd'hui, cette école existe toujours, sous le nom d'Institut National Agronomique de Tunisie. 


Carte postale du début du XXe siècle représentant le bâtiment principal
de l'Ecole Coloniale d'Agriculture de Tunis (Wikimedia Commons) 





Pierre y est très bien soigné. Son bras est sauvé et malgré une douleur persistante sa convalescence se passe très bien. Dès le mois d'août, il entreprend d'écrire du courrier pour rassurer ses parents et surtout pour reprendre contact avec Madeleine. Il lui raconte sa blessure, sa convalescence et combien il l'aime. Il évite en revanche de lui parler de sa découverte archéologique, bien qu'il y ait songé. Il est beaucoup trop amer, car il se rend bien compte que le capitaine Saudal s'est moqué de lui et qu'il a certainement dû garder pour lui les icônes, sans en parler le moins du monde à l'état-major... Lacourt pouvait cependant se satisfaire d'avoir échapper à la mort, contrairement aux précédents possesseurs de ces icônes...

Le huitième chapitre se termine ainsi, avec Pierre qui se remet de sa blessure, loin du front, mais relativement proche de sa bien aimée...

A bientôt.

Olivier.