jeudi 12 mars 2015




Des fouilles archéologiques en milieu hostile !


Nous nous penchons sur le sixième chapitre à l'occasion de ce nouveau post. Nous suivons Pierre Lacourt se rendant sur le chantier de fouilles d'Eléonte, un site archéologique exploré sur l'initiative de l'armée française et situé à quelques centaines de mètres de la ligne de front ! A défaut d'y trouver un archéologue à qui remettre son coffret byzantin et son contenu, Lacourt finira par le faire auprès de sa hiérarchie. C'est le capitaine Saudal qui, au terme de ce chapitre, va hériter de ces objets qui changent une nouvelle fois de mains...       
   

Au début de ce chapitre , Pierre , installé dans la tranchée, prend le temps d'observer tranquillement les icônes qu'il détient depuis la fin du chapitre précédent. Il a ainsi confirmation de ce qu'il avait observé le jour de la découverte : l'origine médiévale et byzantine de ces icônes. Il se rend compte qu'elles sont d'un Moyen Age plutôt ancien et qu'il est important de les mettre à l'abri et de les préserver des périls de la guerre. En même temps, il est fasciné par ces images et ressent un fort magnétisme de leur part, en particulier chez celle représentant le personnage inconnu. Au point de presque oublier le sort néfaste qui avait été celui des précédents possesseurs. Malgré tout, son plaisir résidait d'abord dans le fait de présenter ses découvertes, lui qui rêve de devenir archéologue. D'ailleurs le titre de ce chapitre "Des objets à présenter" ne doit rien au hasard... 

La scène suivante nous amène, quelques jours plus tard, dans la nuit du 4 au 5 juillet 1915, qui voit les Turcs mener des offensives contre les ligne franco-britanniques. Le 2e R.M.A, dans lequel évolue Pierre, est directement concerné car placé en première ligne. Toutefois, le bataillon dans lequel notre héros est affecté sera peu menacé par cette attaque. Le secteur qu'il couvrait était protégé par des feux d'artillerie qui empêchaient toute charge turque dans la zone. Pierre se sort donc indemne de ces nouveaux combats. 
Soldats français au repos dans les tranchées aux Dardanelles,
 Photo de presse, agence Rol (Source Gallica.fr / BNF)

Son régiment finit par revenir à l'arrière, à Seddul-Bahr, au camp de l'Eperon, le 6 juillet. Pierre y prend un peu de repos, rédige des courriers et tient à jour son carnet. De quoi oublier un peu le front même s'il est proche et que les cimetières fleurissent un peu partout sur la presqu'île.
Cimetière allié en bord de mer aux Dardanelles, 
photo de presse, agence Rol (Source Gallica.fr / BNF) 
Pierre met surtout à profit ce répit
 pour s'occuper de ses objets archéologiques. Il a appris que des fouilles avaient été entreprises à Elaious (que les historiens nomment Eléonte de Thrace), une ancienne cité antique située sur un plateau à proximité du camp. L'état-major avait pris cette initiative pour sauver sur le site les objets qui pouvaient l'être avant que l'endroit ne soit irrémédiablement détruit par les combats. C'est plus exactement la nécropole de cette cité qui fait l'objet de fouilles. C'est dans cette même nécropole qu'Anthémios et la sorcière viennent chercher de vieux ossements pour s'adonner à la sorcellerie, onze siècles plus tôt, dans le premier tome...  

L'état-major a confié la direction des fouilles à Edouard Dhorme, un moine qui est membre de l'Ecole biblique de Jérusalem. Cet éminent assyriologue sert comme sergent aux Dardanelles. Evidemment, son affectation sur ce front oriental n'est pas totalement le fruit du hasard. Cette opération archéologique est autant une mission de sauvegarde qu'une opportunité de pillage savamment organisée. Quoi qu'il en soit, ces recherches, qui s'étalèrent de juillet 1915 jusqu'à l'évacuation des Dardanelles à l'automne, furent fructueuses avec de nombreux objets mis au jour. Les plus belles pièces seront ainsi exposées au Louvre, comme cet aryballe ci-dessous, un vase en forme de globe.
Aryballe globulaire de type corinthien et représentant des hoplites,
trouvé dans un sarcophage de la nécropole d'Eléonte de Thrace
lors des fouilles de l'armée d'Orient, VIème siècle avant JC,
Musée du Louvre (Wikimedia Commons - Marie-Lan Nguyen)
Les autorités turques, plus tard, après le conflit, exigeront d'ailleurs la restitution de ces prises faites sur le terrain à la faveur de la guerre.


Pierre a donc dans l'idée de se rendre sur le chantier pour y présenter à Dhorme ses objets. C'est le meilleur interlocuteur dont il puisse rêver dans ce contexte. Il aurait par ailleurs l'occasion de rencontrer un véritable archéologue, ce qui lui serait toujours utile pour obtenir des conseils dans ses projets d'archéologie, plus tard, une fois la guerre terminée.  

Pierre connaît bien le passé archéologique de la péninsule puisqu'il sait que Schliemann y avait effectué des fouilles, vingt-cinq ans plus tôt, pour y rechercher le tombeau de Protésilas, le premier héros tué lors de la guerre de Troie, selon l'Iliade, sur la rive européenne du détroit.

Pierre se rend l'après-midi même sur le chantier. Il avait hâte de se débarrasser de ses objets maudits, qui lui faisaient faire des cauchemars depuis qu'il les possédait. Il était impatient également de les partager auprès du moine-archéologue. Il compte aussi lui présenter la plaquette de défixion, afin qu'il puisse l'expertiser et la traduire. Peut-être apprendrait-il alors des choses importantes sur la malédiction ?

Le site est exposé, sur un plateau, et les lignes turques ne sont pas très loin. Les tirs étaient fréquents, mais quand Pierre arrive tout est plutôt calme. Il y trouve quatre hommes du génie de la 1ère division en train de déblayer le site, mais pas le sergent... Conversant avec l'un d'eux, Lacourt apprend que Dhorme est parti présenter un rapport à l'état-major. Les travaux ayant commencé depuis peu, il est parti exposer un compte-rendu des premières trouvailles et de l'avancée des recherches. Pierre comprend qu'il ne pourra pas le trouver avant le lendemain, au mieux, il est fortement déçu. Il s'attarde un peu pour observer quelques objets ou tessons dégagés de la nécropole, notamment des fragments de canthare sur lesquels sont représentées des Amazones, de style attique à figures rouges.

Pendant qu'il hésite sur ce qu'il doit faire, les manoeuvres lui conseillent vivement de se planquer car les lieux ne sont pas sûrs. Effectivement, quelques balles turques fusèrent dans les environs et l'obligèrent à se cacher un instant. Pierre découvre ainsi les émotions fortes de l'archéologie en milieu hostile... Il finit par rentrer au bivouac et décide de livrer ces objets à sa hiérarchie militaire. En particulier au chef de son régiment, le lieutenant-colonel Bernadotte.
Le général Bailloud (à l'extrême gauche) et un groupe d'officiers
aux Dardanellesdont le général Gouraud au 3e rang depuis la gauche
(Source Gallica.bnf.fr / BNF)

Le soir-même, il en parle à un sous-officier qu'il finit par convaincre de se rendre au mess pour rencontrer le lieutenant-colonel. L'adjudant ne l'y trouve pas et se dirige alors vers le cantonnement des officiers. Il finit par croiser le capitaine Saudal et se renseigne auprès de lui : le lieutenant-colonel est en réunion d'état-major auprès du général Bailloud en compagnie des commandants du régiment. Une nouvelle offensive est en préparation, les principaux officiers sont indisponibles. 

Saudal se propose alors de recevoir le requérant et de transmettre ensuite la demande à ses supérieurs. Cela ne pouvait pas enchanter Lacourt, car il n'aime pas Saudal mais il finit par se résoudre à passer par son entremise malgré sa réticence. Les débuts de l'entretien sont un peu laborieux mais Saudal obtient finalement de Pierre de présenter sa requête. Le jeune zouave explique alors la découverte du caveau, début juin. Le capitaine apprend ainsi les détails concernant le caveau, ce qu'il contenait et sa destruction. Lacourt conclut sur le fait qu'ils n'ont emmené avec eux qu'un coffret et le présente alors à Saudal.  Il l'ouvre et lui fait ainsi découvrir les icônes. Il est tout de suite captivé par ces objets et comprend leur valeur historique et financière. Lacourt lui confirme que ce sont les seuls objets épargnés par le bombardement et que le caveau a été anéanti. 

La capitaine pose encore plusieurs questions à Pierre, notamment sur le délai qu'ils ont mis à signaler cette découverte, plus d'un mois après. Pierre n'est pas à l'aise pour l'expliquer mais il met en valeur son sens des responsabilités en remettant ces objets à la hiérarchie, d'autant qu'il est le dernier découvreur encore en vie. Cette information intéresse Saudal qui le récompense non sans arrière-pensée. 

Ils parlent brièvement de Dhorme puis Saudal félicite encore Lacourt pour son intégrité et le flatte en invoquant tout le prestige scientifique de sa découverte. Pierre finit ainsi par lui céder les objets. Le capitaine était ravi de cette opportunité totalement inattendue... quant à Lacourt, il était heureux et soulagé de s'être séparé de ses objets en les cédant à sa hiérarchie.

Les icônes sont ainsi dans les mains d'un nouveau propriétaire à l'issue de ce sixième chapitre.

A bientôt.

Olivier.

           

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