lundi 22 décembre 2014



Passez à l'attaque au côté du 2e RMA ! 


Pour ce dernier post de l'année, nous nous intéressons ce mois-ci au quatrième chapitre qui voit le 2e RMA participer aux combats du 21 juin 1915 pour la conquête du ravin du Kérévès-Déré. Dans ce chapitre intitulé "Attaques et percussions", c'est plus précisément Castaing et Benhamou que nous suivons. Le premier va y laisser la vie, le second va hériter du coffret aux icônes qui changera ainsi de mains. Ces objets maudits poursuivent donc leur parcours à l'issue de ce chapitre, lequel se termine en musique...  
   

Ce chapitre débute le matin du 21 juin. La veille au soir, le 2e RMA, dans lequel évoluent la plupart des personnages du roman, a été relevé en première ligne par le 176e RI, un régiment d'infanterie spécialement constitué pour l'expédition des Dardanelles et qui était basé à Salon de Provence. C'est le régiment dans lequel évoluait Pierre Drieu la Rochelle (voir post d'octobre 2014 dans les archives du blog). Au moment de cette nouvelle offensive, le 176e RI est donc en première ligne, avec le 2e RMA en appui en deuxième ligne. Il a, pour mener cette attaque, sur son flanc droit deux régiments coloniaux : les 4e et 6e RIC. Ces deux régiments étant couverts en deuxième ligne par le 1er RMA. 

Le ravin du Kérévès-Déré est un point stratégique dans le sud de la péninsule que les alliés n'ont pas réussi à enlever après déjà deux attaques les semaines précédentes. Il se situe dans la case 18 au sud de Krithia sur la carte ci-dessous. Cette nouvelle offensive constitue donc la troisième tentative. 
Carte de la zone des combats au cap Helles (Wikimedia Commons - Rcbutcher)

L'offensive a été précédée à l'aube par des reconnaissances aériennes puis par de nombreux bombardements d'artillerie et de batteries de marine sur l'ensemble de la ligne de front. 
Photographie aérienne d'un village des Dardanelles, sans doute Chanak,
prise depuis un appareil de reconnaissance français 
et extraite de The War Illustrated daté du 14 août 1915 
(Wikimedia Commons)



Canon britannique de 127 mm tirant sur des positions ottomanes
au cap Helles en juin 1915 (Wikimedia Commons - Imperial War Museums)


Le cuirassé britannique HMS Cornwallis bombardant Krithia sur la péninsule de Gallipoli,
photographie tirée d'un article du Miroir daté du 23 mai 1915
(Wikimedia Commons - Gallica.fr)

A 6 heures, l'assaut est lancé. La charge du 176e RI est couverte par les zouaves du 2e RMA. Ces derniers, en deuxième ligne, ont pour mission de flanquer l'attaque en cours en harcelant les lignes ennemies d'un feu nourri. Parmi eux, Benhamou et Lacourt participent bien entendu à ces tirs, et Castaing lui aussi. Il se situe à quelques mètres des deux premiers, près d'une section de mitrailleuse.


Sections de mitrailleuses ottomanes
encadrées par des officiers allemands, à Gallipoli en 1915
(Wikimedia Commons - Bundesarchiv)
Les Turcs tiraient sur les assaillants mais aussi sur la deuxième ligne française qui les harcelait. Le 2e RMA essuya ainsi des tirs. L'un d'eux fut fatal à Castaing qui prit une balle en plein front. L'actuel détenteur du coffret aux icônes meurt ainsi, deux semaines après la découverte du caveau. 

Ce n'est qu'au bout de longues minutes, à la faveur d'une accalmie, que Benhamou remarquera la mort de Castaing. Le 2e RMA avait cessé ses tirs, le 176e RI étant parvenu à s'emparer de la première ligne turque et était en train d'attaquer lea deuxième. Ce régiment est celui qui avait réalisé la meilleure percée. Les deux régiments coloniaux impliqués dans l'assaut connaissaient des difficultés et étaient en échec dans leurs secteurs.

Benhamou fut bouleversé de découvrir Castaing sans vie. Il avait encore discuté avec lui quelques instants avant le début de l'assaut... Son émotion passée, il se mit en recherche du coffret aux icônes parmi les affaires de Castaing. Il tombe d'abord sur un carnet contenant une photo de son fils. Benhamou savait que cet enfant vivait avec sa mère à Oran. Cette dernière avait quitté Castaing quelques années plus tôt à cause de ses problèmes d'alcool et avait emmené leur fils avec elle. Benhamou se rendit compte que ce fils venait de perdre une deuxième fois son père. 

Il revint ensuite à sa première préoccupation et glissa le coffret aux icônes dans sa musette devenant ainsi le deuxième possesseur de ces objets depuis leur mise au jour. 
Prisonniers turcs interrogés par des officiers britanniques
après la 3ème bataille de Krithia, le 21 juin 1915.
Photo tirée d'un numéro de The War Illustrated paru en 1915.
(Wikimedia Commons - Australian War Memorial)

Ces combats durèrent toute la journée. L'avancée du 176e RI avait pu être confortée, mais les pertes étaient terribles avec près de 2 500 morts ou disparus côté allié, et le ravin du Kérévès-Déré restait imprenable. Les Turcs avaient connu des pertes encore plus élevées avec 6 500 morts ou portés disparus, mais ils avaient encore réussi à contenir l'offensive. Le calme revint avec la tombée de la nuit.
Soldat britannique observant les tranchées ottomanes
à l'aide d'un périscope. Photo tirée d'un numéro de The War Illustrated
paru en 1915 (Wikimedia Commons)

Le lendemain soir, le 2e RMA est chargé de relever le 176e RI en première ligne. Les zouaves prennent alors possession de ces tranchées acquises la veille et s'installent pour la nuit. L'odeur des cadavres est intolérable, mais ils s'y installent malgré tout, prennent leur repas et mettent en place des tours de garde pour surveiller les lignes turques. Des fusées éclairantes sont utilisées pour contrôler le site et les officiers scrutent la ligne ennemie avec des jumelles périscopiques.

La nuit est calme, ce soir-là, dans le secteur. Le moral était plutôt bas côté français et meilleur côté turc. D'ailleurs, des envolées musicales et des bruits de fête se faisaient entendre depuis un camp turc à l'arrière des lignes ottomanes. On entendait des chants, des rythmes de darboukas et des mélodies de ney : on fêtait visiblement les succès défensifs des derniers jours.

Côté français, c'était le silence dans les premières lignes, mais à l'arrière, dans les lignes occupées par des tirailleurs sénégalais, probablement ceux du 7e RMIC, le son d'un djembé se fit entendre. La fête turque s'arrêta et seule une darbouka répondit au djembé. Le chapitre se termine ainsi avec cet échange musical symbolique entre cette darbouka turque et ce djembé sénégalais. Après la férocité des combats, la musique vient réunir, le temps d'un échange, des hommes évoluant dans des camps opposés. L'art réussit à faire resurgir un bref instant l'humanité qui subsiste chez ces soldats des deux camps. Un rare instant de grâce qui sera vite effacé par la triste réalité de la guerre.

Bonne fin d'année et à bientôt en 2015, année du centenaire de l'expédition des Dardanelles !

Olivier. 









vendredi 28 novembre 2014

La campagne des Dardanelles, une expédition véritablement planétaire ! 


Après la parenthèse littéraire du dernier post, le blog reprend ce mois-ci le cours du tome 2 et se consacre au troisième chapitre. Intitulé "Lors d'une journée de repos", ce chapitre de transition se situe une dizaine de jours après la découverte du caveau byzantin contenant le coffret aux icônes. Les principaux protagonistes du début du roman sont au repos à l'arrière dans le camp de Seddul-Bahr près du cap Helles, à l'extrémité de la péninsule de Gallipoli. L'occasion de présenter au lecteur le caractère cosmopolite et planétaire de cette campagne des Dardanelles si particulière...  
   

C'est plus précisément le 18 juin, soit onze jours après la découverte du caveau, que débute ce troisième chapitre. On y retrouve N'Diaye, le tiraillleur sénégalais du 7e RMIC, le premier homme à avoir pénétré dans le caveau. Ce matin-là, il est donc au bivouac de Seddul-Bahr, à l'arrière de la ligne de front, et profite d'un rare moment de temps libre pour aller retrouver les zouaves qui ont participé à la découverte du caveau. Il a appris la mort de Diop, tué par leur imprudence, et souhaite leur faire part de sa plus grande rancoeur. 

Le parcours de N'Diaye, dans le dédale du camp allié, jusqu'au cantonnement des zouaves, devient alors un prétexte pour présenter au lecteur toute la diversité des troupes alliées présentes durant cette expédition. 
Troupes australiennes et indiennes débarquant le matin du 25 avril 2015
 à Anzac Beach à l'ouest de la péninsule de Gallipoli
(Wikimedia Commons - Arthur RH Joyner)

Il est ainsi rappelé que les Britanniques acheminèrent non seulement des troupes anglaises, galloises, écossaises ou irlandaises mais aussi de leurs dominions d'Asie ou du Pacifique : Indiens, Australiens ou Néo-Zélandais en particulier. 

Les Français, eux, ont réuni des troupes coloniales composées d'Européens d'Afrique du Nord pour la plupart ou d'Antillais, mais aussi des zouaves, ainsi que des tirailleurs venus de toutes les possessions françaises en Afrique de l'Ouest. 
Vue panoramique sur la flotte alliée près des Dardanelles (Wikimedia Commons - Jonathan Schroden)

Quatre continents plus les Antilles sont ainsi représentés : Europe, Asie, Afrique et Océanie. 
Carte des plages de débarquements britanniques 
du 25 avril 1915 au Cap Helles (Wikimedia Commons- Gsl)

L'expédition était d'envergure avec près de 75 000 hommes impliqués lors du débarquement du 25 avril au tout début des opérations terrestres de l'expédition. Le plus grand débarquement de l'histoire militaire mondiale jusqu'à un certain 6 juin 1944... 





Carte des plages de débarquements australo-néo-zélandais
du 25 avril 1915 dans le secteur de Suvla Bay (Wikimedia Commons - Gsl)


Face à eux, les Turcs étaient bien organisés défensivement et encadrés par des conseillers allemands avec à leur tête le général Liman von Sanders et le colonel Mustafa Kemal, le futur Atatürk.
Carte des champs de mines et des fortifications ottomanes 
dans le détroit des Dardanelles en février-mars 1915 
(Wikimedia Commons - Gsl)
 
Mustafa Kemal entouré d'officiers
 aux Dardanelles en 1915 

(Wikimedia Commons)
Le général Liman von Sanders en 1916 
(Wikimedia Commons - Deutsches Bundesarchiv)

Bien qu'ambitieuse, l'expédition alliée était trop mal préparée et menée pour réussir. L'enlisement était total et les deux camps s'installèrent alors dans une guerre de position sur cette péninsule.

N'Diaye traversa une bonne partie du camp et croisa ainsi toute cette diversité.
Soldats britanniques (Lancashire Fusiliers) se rendant 
aux Dardanelles en mai 1915 (Wikimedia Commons - 
Imperial War Museum)



L'essentiel de ce chapitre est consacré à ces différences entre les composantes alliées : les tenues coloniales des Britanniques, aux airs de bobbies tropicaux... la décontraction et la détermination des Australiens et des Néo-Zélandais, aux allures de chasseurs lâchés dans  le bush... les Indiens avec leurs turbans et leurs barbes... les Gurkhas népalais et leur équipement traditionnel...
Charge australienne sur une tranchée ottomane fin 1915 (Wikimedia Commons - US National Archives and Records Administration)

La guerre sur et sous la mer, qui a précédé les opérations terrestres, est également évoquée avec les pertes de navires français (Le Bouvet ou le Gaulois notamment) ou britanniques (HMS Ocean ou HMS Irresistible par exemple), ainsi que de sous-marins (Le AE2 notamment, un submersible australien qui fut obligé de se saborder).
Naufrage du HMS Irresistible frappé par une mine turque 
et abandonné le 18 mars 1915 (Wikimedia Commons - The Illustrated War) 

Le HMS Louis échoué à Suvla Bay sous le feu de l'artillerie turque 
(Wikimedia Commons - Royal Navy)
Le sous-marin australien HMAS AE2 en 1915
(Wikimedia Commons - Australian War Memorial)


















Dans ce panorama, j'évoque également la pression constante que l'artillerie turque impose aux camps alliés, soit depuis les hauteurs européennes soit depuis la rive asiatique totalement aux mains ottomanes. 
Artillerie lourde turque à Gallipoli en 1915, 
canon provenant du cuirassé allemand "Roon" 
(Wikimedia Commons - Deutsches Bundesarchiv)

L'allure des troupes françaises est aussi détaillée dans toute sa diversité : troupes coloniales aux airs de chasseurs partis en safari ; l'infanterie classique portant la casquette ; la tenue des zouaves avec leurs chéchias ou celle plus colorée des tirailleurs sénégalais avec ses éléments caractéristiques et traditionnels : sac en peau de bouc et coupe-coupe en bandoulière.  
Soldat français rampant derrière les barbelés aux Dardanelles en 1915 
(Wikimedia Commons - Agence Rol, Gallica.fr)



C'est tout ce melting-pot qu'entend présenter ce chapitre.

Ce panorama est bouclé par l'évocation d'une dernière population présente dans le camp, celle des correspondants de guerre de la presse française et britannique. J'en ai justement parlé lors du post précédent, lorsque j'évoquais la présence d'Albert Londres aux Dardanelles.
Canon de 75 mm de l'artillerie coloniale française
lors de la 3ème bataille de Krithia, le 4 juin 1915 

(Wikimedia Commons - Central News Agency)

Lorsque N'Diaye arrive enfin au cantonnement des zouaves, il n'y trouve que Benhamou avec lequel il a une brève mais vive conversation au sujet de la mort de Diop. Le Sénégalais enchaîne ensuite en évoquant le coffret que l'adjudant a emmené avec lui. Comme cet objet provient du caveau, il craint que ce geste ne s'avère néfaste et porteur de malheur. Sensible au surnaturel, N'Diaye est particulièrement clairvoyant à ce sujet et en parle à Benhamou avant de le quitter.

Dans la scène suivante, Benhamou part retrouver l'adjudant Castaing qui est en train de se restaurer. Il veut avoir une discussion avec lui concernant la vente du coffret et de ses icônes. Il se met d'accord avec lui pour se partager le bénéfice de cette future vente et ainsi écarter Lacourt et N'Diaye de cette transaction.

En tant que commerçant dans le civil, Benhamou se propose des les vendre lui-même, mais le sous-officier, méfiant, préfère garder la main à ce sujet.

L'un et l'autre sentent que ces objets sont potentiellement néfastes mais la perspective de glaner un beau petit pactole leur fait oublier leur inquiétude. Castaing, en particulier, fait régulièrement des cauchemars depuis qu'il posséde ces icônes et est sans doute le plus inquiêt des deux. 

Le chapitre se termine avec une scène offrant cette fois un focus sur Lacourt. Lui-même est marqué par la découverte de ces objets ainsi que par le message en lettres de sang apparu sur la paroi du caveau. Etudiant en droit et passionné d'archéologie, cette découverte avait beaucoup de sens pour lui. Il est très déçu de ne pas avoir pu transmettre à l'état-major les objets découverts et faire partager et reconnaître ainsi ces découvertes archéologiques. Il en voulait à Castaing de les avoir confisqués avec le soutien de Benhamou. Lacourt se posait aussi beaucoup de questions concernant la tablette de défixion qu'il avait trouvé dans le tunnel. Elle était pratiquemment illisible et il n'avait pas la possibilité de l'étudier aisément ainsi sur le front.

Cette présentation de Pierre Lacourt, personnage qui va prendre un rôle central dans la suite du roman, s'achève par un flashback sur son passé. En particulier sur l'époque où, encore lycéen, il est conduit à mener un véritable bras-de-fer avec son père, magistrat à Toulouse. Ce dernier, l'obligeant à se diriger vers le droit, dans le cadre d'une longue tradition familiale, Pierre finira par accepter mais à condition de le faire à la faculté d'Alger. Il choisit cette destination autant pour s'éloigner de son père et de sa férule que pour se rapprocher des chantiers archéologiques en cours en Algérie, comme à Cherchell ou à Tipasa par exemple.
Ruines romaines du site archéologique de Tipasa sur la côte algérienne (Wikimedia Commons)

Malheureusement, la guerre vient interrompre son parcours et ses projets en août 1914, alors qu'il vient tout juste de rentrer à Alger après un séjour estival de quelques semaines chez ses parents à Toulouse. Pierre est ainsi incorporé au 1er régiment de Zouave basé à Alger et y suit plusieurs mois d'instruction avant d'être versé dans le bataillon qui gagnera Bizerte, en Tunisie, pour y intégrer le 2ème Régiment de Marche d'Afrique, spécialement constitué pour l'expédition des Dardanelles au printemps 1915.
Heinrich Schliemmann en 1892 
(Wikimedia Commons - "selbstbiographie" Leipzig, 
brockhaus)

Les Dardanelles sont un cadre et une région que Pierre connaît relativement bien de par ses lectures et sa passion pour l'archéologie. Il a notamment lu, par le passé, des rapports sur les travaux que Heinrich Schliemmann, le découvreur de Troie, y a mené un quart de siècle plus tôt. Le malheur de Pierre Lacourt, dans cette histoire, c'est qu'il est présent sur ces terres qui le font rêver non pas en tant qu'archéologue mais en tant que soldat... 

Son régiment doit d'ailleurs remonter le jour même aux tranchées, en prévision d'une offensive imminente à mener et qui aura des conséquences sur la suite de notre histoire... mais ce sera l'objet du prochain post...

A bientôt.

Olivier.         
  














vendredi 24 octobre 2014

Albert Londres, Pierre Drieu La Rochelle, Jean Giraudoux, ces hommes de lettres qui connurent les Dardanelles... 




La période des prix littéraires approchant, le blog met à l'honneur ce mois-ci des auteurs... mais des auteurs qui ont pour point commun d'avoir vécu la bataille des Dardanelles. Que ce soit en tant que combattant ou reporter, qu'ils y'aient passé plusieurs mois ou seulement quelques semaines, tous ont été durablement marqués par cette expérience. Tour d'horizon de ces écrivains qui parcoururent les tranchées de Gallipoli...  
   

Albert Londres en 1923
(Wikimedia Commons - Niduab)
Albert Londres (1884-1932) - Réformé lors du service militaire, Albert Londres n'est pas mobilisé en 1914 et c'est en tant que reporter pour le compte du Petit Journal qu'il s'est rendu aux Dardanelles. A cette occasion, il est devenu l'un des précurseurs d'un métier encore nouveau, celui de correspondant de guerre. La présence de journalistes sur la péninsule est évoquée dans le troisième chapitre de mon roman, mais nous reviendrons sur celui-ci lors du prochain post dans un mois... Albert Londres couvrira plus tard le front des Balkans en suivant les opérations situées en Grèce, en Serbie ou en Albanie. Cette expérience de journaliste de guerre sera déterminante pour sa carrière. Avant la guerre, il se consacrait essentiellement à la poésie et occupait une fonction de journaliste parlementaire qu'il concevait comme un métier purement alimentaire. Il publia plusieurs recueils de poésies, d'une facture assez classique, mais c'est bel et bien la guerre qui le dirigea définitivement vers le journalisme de terrain.  Il s'est fait connaître au tout début de la guerre par un article très remarqué sur le bombardement de la cathédrale de Reims par les Allemands paru dans Le Matin. Mais il dût rompre quelque mois après sa collaboration avec ce quotidien qui refusait son départ pour les Dardanelles, il fit donc le voyage pour Le Petit Journal. Son style est nouveau, éloquent et doté d'une liberté de ton et de réflexion qui plaît beaucoup aux lecteurs mais nettement moins aux militaires. Les hauts gradés le jugeant insolent et difficilement contrôlable. Mais son succès le protège et les autorités militaires sont contraintes de composer avec lui.  De son passage aux Dardanelles, il tirera plusieurs articles qui témoigneront avec talent de ce qu'il a pu y observer et ressentir. 

Une du "Petit Journal" daté du 26 mai 1915 relayant le premier article d'Albert Londres aux Dardanelles,
lequel aborde le débarquement français du 25 avril sur la rive asiatique du détroit 
(Gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France)


De retour d'Orient, il couvrira la fin de la guerre en France, puis connaîtra une carrière fulgurante dans les années 20, multipliant, pour plusieurs journaux, les voyages et les grands reportages (Italie, Moyen Orient, Russie, Asie, Guyane, Algérie, Afrique Noire...) avant de trouver tragiquement la mort, en 1932, dans l'incendie du paquebot Georges Philippar qui le ramenait de Chine. L'année suivante, sa fille créera le prix qui porte son nom et qui récompense chaque année le meilleur reportage. Comme un symbole, le dernier grand reportage d'Albert Londres publié, en 1931, dans le Petit Journal, concernait les Balkans, la région qui lui permit de se faire un nom pendant la guerre, un vrai tournant dans sa carrière. L'article traitait des Comitadjis, ces nationalistes macédoniens qui tentaient de lutter contre l'occupation de leur territoire par les Bulgares, les Grecs et les Yougoslaves... on parle des Comitadjis également à la fin de mon roman, mais je n'en révélerai pas plus, vous le découvrirez en le lisant...   

Jean Giraudoux en 1927
(Wikimedia Commons - Gampe)

Jean Giraudoux (1882-1934) - Contrairement à Albert Londres, c'est en tant que combattant que Jean Giraudoux se rendit aux Dardanelles. Affecté en septembre 1914 au 298e RI, au rang de sergent, le futur auteur de "La Folle de Chaillot" est blessé à la bataille de la Marne. Sa courte convalescence achevée, et ayant été promu sous-lieutenant entre temps, il fait partie de l'expédition des Dardanelles. Il y sera de nouveau blessé, quelques semaines après son arrivée sur la péninsule. Evacué, il effectue sa convalescence en France où, désormais inapte au combat, il sera réaffecté au bureau de la propagande du ministère des Affaires étrangères. Il participera à des opérations diplomatico-militaires à Lisbonne en 1916 ou aux Etats-Unis en 1917. Après la guerre, il orienta sa carrière vers le théâtre où il connut le plus de succès, alors qu'il s'était plutôt consacré à l'écriture de romans avant et pendant le conflit (Provinciales en 1909, L'Ecole des Indifférents en 1911, Lectures pour une ombre en 1917 ou ou Simon le pathétique en 1918 notamment) en parallèle d'une carrière de diplomate.  C'est en revenant en Turquie, en 1927, douze ans après son passage aux Dardanelles, pour y occuper un poste à la Commission d'évaluation des dommages alliés dans ce pays, que Giraudoux profite de son temps libre pour écrire ses premières pièces de théâtre. Il connaît son premier succès en 1928 avec Siegfried, une pièce adaptée d'un de ses romans qu'il publia en 1921 : Siegfried et le Limousin, avec pour interprète principal Louis Jouvet. Le premier d'une longue série de succès (Amphytrion 38, La guerre de Troie n'aura pas lieu, Electre, La Folle de Chaillot...), à tel point qu'on se souvient aujourd'hui de lui davantage pour ses pièces que pour ses romans. Il s'engagea en politique à la fin des années 30, et fut ainsi Commissaire général à l'Information en 1939-1940 dans le gouvernement Daladier. Durant l'Occupation sa situation et son rôle furent controversés mais il mourut bien avant la Libération en janvier 1944 d'une inflammation du Pancréas.

Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945) - Comme Giraudoux, Pierre Drieu La Rochelle est présent aux Dardanelles pour combattre, mais lui n'est pas officier. Âgé de 22 ans, il est sergent au 176e RI, un régiment dont je parle régulièrement au début du roman et qui appartient à la même division que le 2e RMA, ce régiment de zouaves dans lequel évolue la plupart de mes personnages. Ces deux régiments interviennent donc souvent mutuellement en appui. Drieu La Rochelle a commencé la guerre en Belgique, en tant que caporal dans le 5e RI et a connu ses premiers combats lors de la bataille des frontières dans la plaine de Charleroi, en août 1914 . Blessé à la tête par un shrapnel (bille d'acier contenue dans un obus), il est évacué vers un hôpital militaire de Deauville. Il retourne au front dès octobre 1914, en Champagne, il y est de nouveau blessé, au bras cette fois et est évacué à Toulouse. A la fin de sa convalescence, il se porte volontaire pour l'expédition des  Dardanelles et rejoint ainsi le 176e RI. Il embarque avec ce régiment de Marseille début mai 1915. Il passera 5 semaines sur l'île de Lemnos, où les alliés avaient installé leur base arrière pour la campagne des Dardanelles.  

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Débarquement de troupes françaises sur l'île de Lemnos au printemps 1915
(Wikimedia Commons - Bibliothèque Nationale de France)
Les conditions de vie y sont dures. Drieu en gardera un souvenir amer dans la nouvelle "Voyages aux Dardanelles" qu'il publia en 1934 : "Être pauvre, c'est être sale. J'ai des morpions que ma crasse engraisse. J'ai pioché et j'ai des ampoules. Mes muscles me font mal. J'ai soif tout le temps. Tondu et barbu, je suis laid. Je ne reçois pas de lettres. Je mourrai totalement oublié...". Fin juin 1915, son unité quitte enfin Lemnos pour la presqu'île de Gallipoli afin d'y relever les troupes. Son régiment participe aux combats du Kérévès-Déré au cours du mois de juillet, mais Drieu ne fait pas partie des combattants. Atteint par la dysenterie, il est évacué avant les premiers assauts et est rapatrié vers Toulon. Il restera néanmoins durablement marqué par son expérience aux Dardanelles, d'autant que son séjour en Orient l'aura laissé dans un état de délabrement moral et physique avancé. Sa convalescence dura tout l'automne 1915. Il passera ensuite au 146e RI, dans lequel il vivra la bataille de Verdun et sera grièvement blessé en février 1916. Au terme de sa convalescence, il sera affecté à des postes plus à l'arrière. 

L'expérience de la Grande Guerre sera marquante pour Drieu, puisque nombre de ses écrits en seront imprégnés (Fond de cantine en 1920, la Comédie de Charleroi en 1934 notamment, ce dernier ouvrage étant un recueil de plusieurs nouvelles évoquant ses souenirs de la Grande Guerre dont "Le Voyage aux Dardanelles"). Comme Giraudoux, Drieu verra sa carrière littéraire décoller durant l'entre-deux-guerres, à travers des succès comme Le Feu Follet (1931), Rêveuse Bourgeoisie (1937) ou Gilles (1939). Dans le même temps, il se cherche politiquement jusqu'au milieu des années 30, oscillant entre socialisme et fascisme ou nationalisme. Il publiera  d'ailleurs en octobre 1934 un essai intitulé "Socialisme fasciste" qui synthétise et stabilise la ligne qui sera la sienne jusqu'à l'Occupation, pendant laquelle il deviendra directeur de la NRF. Bien que désabusé par le régime vichyste, il ne reniera pas ses idées à la Libération et préférera le suicide plutôt que la fuite ou l'exil. Après deux tentatives en août 44, il parvint à ses fins le 15 mars 1945 en absorbant une forte dose de gardénal. 

En étudiant la biographie de Drieu La Rochelle, pour préparer cet article, j'ai été frappé de découvrir le nombre de points communs et de ressemblances qu'il a avec Pierre Lacourt, l'un des principaux personnages de mon roman...   Outre leur présence aux Dardanelles et leur prénom, ils partagent le fait d'avoir le même âge puisque les deux y ont vingt-deux ans pour être nés chacun en janvier 1893 (je ne précise pas le mois de naissance dans mon roman, mais dans mon esprit il était bien né début 1893, en janvier...). Le père de Drieu était avocat, celui de mon Lacourt est magistrat et originaire de La Rochelle, mais s'est établit à Toulouse... sachant que Drieu La Rochelle, avant de se rendre aux Dardanelles, effectua sa convalescence à Toulouse... les similitudes entre les deux sont troublantes, mais il est probable que mon Pierre Lacourt n'aurait pas suivi les mêmes penchants vichystes que Drieu s'il avait connu l'Occupation...     


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Winston Churchill en 1904 (Wikimedia Commons - Imperial War Museums)
Sir Winston Churchill (1874-1965) - Je ne pourrais bien-sûr pas conclure ce post sans évoquer l'homme de lettres qui est directement à l'origine de l'expédition des Dardanelles, puisqu'il en est le principal instigateur. Âgé de 41 ans, Winston Churchill est alors Premier Lord de l'Amirauté et est l'initiateur de cette désastreuse campagne. Prix Nobel de Littérature en 1953, pour ses mémoires, Churchill dût en effet personnellement assumer l'échec cuisant de Gallipoli en quittant ses fonctions. Cet épisode occasionna l'une des pires périodes de dépression de son existence - pourtant riche dans ce domaine - et le revers le plus éprouvant de sa carrière. Sans avoir été lui même sur le terrain, Churchill fût donc, d'une certaine manière, irrémédiablement marqué par l'aventure de Gallipoli.






Le mois prochain, le blog reprendra le cours du deuxième tome en se concentrant sur le troisième chapitre qui dresse un véritable panorama des forces en présence aux Dardanelles. 

A bientôt.

Olivier.    










mardi 23 septembre 2014

Des phénomènes paranormaux dans un caveau byzantin rempli de squelettes ! 

Après l'escapade parisienne du mois dernier, le blog retrouve le fil du Tome 2 avec un post consacré au deuxième chapitre. C'est dans ce chapitre qu'est décrite la découverte du caveau qui contenait notamment le coffret aux icônes dont a hérité le capitaine Saudal. Un caveau qui se révèle maudit et hanté... 

Au début de ce chapitre, que vous pouvez découvrir et lire dans son intégralité sur ce blog en consultant le post de février 2014, on apprend que le capitaine Saudal sait très peu de choses sur les circonstances de la découverte de ce caveau. Le lecteur apprend que celle-ci avait été accompagnée de phénomènes étranges que Lacourt avait préféré cacher à Saudal. L'officier est donc ignorant du caractère maléfique de cette découverte et n'imagine pas que ses propres tourments nocturnes ont un lien avec celle-ci. Quant à Lacourt, il était soulagé de ne plus posséder ces icônes et de les avoir transmis à sa hiérarchie. 

La suite du récit nous entraîne alors vers un flashback qui nous projette un peu plus de quatre mois en arrière, le 7 juin 1915, jour où le caveau fut mis au jour et enchaîne sur une retranscription en détail de cette découverte. En cela, ce chapitre est véritablement un passage primordial de ce deuxième tome, mais il incarne aussi le pitch fondateur de la saga ! 

Le contexte du front est rapidement présenté : l'enlisement des troupes franco-britanniques sur la péninsule impuissantes à percer la résistance turque. Près d'un mois et demi après le débarquement du 25 avril, le combat se résumait, comme ailleurs, à une guerre de position. C'est en fin de journée, alors que le 2e RMA est en première ligne, que le caveau fut découvert. Le 2e Régiment de Marche d'Afrique est le régiment dans lequel évoluent Saudal et Lacourt, les deux personnages principaux du roman. En tout cas c'est le régiment dans lequel ils sont affectés au début du roman... 
Insigne régimentaire du 4e RZ, modèle 1914
(Wikimedia Commons - Fantassin 72)

Un régiment de marche, dans le jargon militaire, est un régiment mis en place temporairement à partir d'unités issues d'autres régiments, généralement pour une campagne donnée ou une mission spécifique. Le 2e RMA en l'occurrence a été constitué spécifiquement pour intégrer le Corps Expéditionnaire d'Orient en mars 1915, à l'occasion de l'expédition des Dardanelles. Il est composé de trois bataillons issus de trois régiments de zouaves : 1 bataillon en provenance du 1er RZ basé à Alger, 1 autre issu du 3e RZ cantonné à Oran et 1 dernier tiré du 4e RZ situé à Tunis. 
Zouaves au début de la Grande Guerre
(Wikimedia Commons - Frank A Mumby, Gresham Publishing)
Le régiment est donc en première ligne et le 3e bataillon y a pour mission, ce jour-là, de rectifier une tranchée défectueuse en raison d'un angle mort. Ces travaux sont avérés dans le journal de campagne du régiment, le général Gauneval est même venu les inspecter et y a perdu la vie d'une balle dans le front, mais j'ai pris quelques libertés pour ma fiction en y ajoutant l'aide de quelques hommes du 1er bataillon mais aussi de tirailleurs sénégalais issus du 7e Régiment Mixte d'Infanterie Coloniale, un régiment lui aussi créé pour les Dardanelles et mixte car composé d'un bataillon d'infanterie et de deux bataillons de tirailleurs sénégalais.

Le groupe d'hommes qui va découvrir le caveau est justement issu de cet effectif complémentaire, puisqu'il est composé de trois zouaves du 1er bataillon, l'adjudant Castaing et les soldats Benhamou et Lacourt, et de deux tirailleurs du 7e RMIC, N'Diaye et Diop. Ils sont à l'écart, employés à creuser un boyau annexe, lorsque Benhamou finit par trouver, en creusant, l'entrée d'un petit tunnel caché derrière une dalle. Intrigué, il interpelle ses voisins. L'adjudant est inquiet , craignant que ce ne soit un tunnel menant à une cache occupée par les Turcs. Il demande alors à N'Diaye d'y pénétrer pour vérifier et lui donne son briquet et son revolver. Le tirailleur s'y rend à contre-coeur et s'engage dans le tunnel. Lorsqu'il en ressort, il apparaît complètement hagard et dissuade tout le monde d'y entrer, car selon ses propres mots c'est "l'entrée du pays des morts"... et c'est cette expression qui a donné son titre à ce chapitre...

Le caveau où furent enterrés les moines massacrés onze siècles plus tôt, dans le Tome 1, vient ainsi d'être retrouvé par le plus grand des hasards. Agacé par la réaction de N'Diaye, l'adjudant Castaing reprend son arme et son briquet et décide d'aller voir par lui-même, sous terre, où conduit ce tunnel. Il le parcourt à quatre pattes sur environ 5 ou 6 mètres, trouve une plaque métallique gravée de caractères grecs - celle qu'Anthémios et la sorcière y avaient déposée 1 100 ans plus tôt - la repose rapidement, poursuit son avancée et tombe sur un squelette en arrivant au débouché du tunnel. La pièce à laquelle il aboutit est remplie de squelettes et d'objets religieux byzantins. Une icône lui cause d'ailleurs une frayeur, pensant être observé par quelqu'un au fond du caveau 

Il est vite rejoint par Benhamou et Lacourt, tandis que les deux tirailleurs préfèrent rester à l'extérieur. Ils comprennent vite qu'ils n'ont pas à faire à une tombe mais plutôt à un charnier, voyant bien que les morts ont dû être violentes pour les malheureux qui reposent là. Il n'y a que Lacourt qui porte un regard sur l'aspect archéologique de la découverte. Il est le premier à comprendre que ce caveau et les objets qu'il contient sont médiévaux et byzantins. C'est le plus jeune et le plus cultivé d'entre eux, dans le civil il est étudiant en droit et est passionné d'archéologie. Il a par ailleurs des connaissances en Grec. 

Au bout de quelques instants, ils finirent par ressentir des frissons, les lieux s'étant remplis d'une fraîcheur étrange. Tous la ressentait mais aucun ne se l'expliquait, car aucun courant d'air ne balayait le caveau. 

En poussant ensuite les investigations, Lacourt finit par tomber à son tour sur la plaque métallique gravée de Grec, la tablette de défixion du 1er Tome. Il leur expliqua que ce genre de message exprimait une malédiction mais cette information n'intéressa guère ses interlocuteurs. L'adjudant lui demande néanmoins s'il arrive à lire quelque chose . Lacourt lui confirme que c'est du Grec médiéval et qu'il s'agit assurément de la formulation d'une malédiction bien qu'elle soit quasi illisible. Il ne peut d'ailleurs pas lire en détail ce qu'elle énonce et la place dans la poche de sa vareuse. Les tablettes de défixion furent un support de sorcellerie fréquemment utilisé dans l'ensemble du monde gréco-romain durant toute l'Antiquité, on en a retrouvé dans plusieurs pays : Grèce, Italie, France, Egypte,  etc  Elles étaient le plus souvent en plomb, comme celle de mon roman, mais on en retrouvé dans d'autres métaux et d'autres matières, en papyrus, en argile, etc... les plus récentes trouvées datent du IVe siècle, comme celle figurant sur la photo ci-dessous trouvée à Rome. 
Tablette de défixion en plomb énonçant une malédiction en grec contre un certain Kardelos,
IVe siècle après JC, Colombarium de la Villa Doria Pamphilj à Rome
(Wikimedia Commons - Jastrow)
Castaing et Benhamou finissent par s'en désintéresser de nouveau et, alors qu'ils allaient sortir du caveau, tombent peu après sur un coffret en ivoire. Ils pensent aussitôt avoir à faire à un trésor mais ils sont déçus en l'ouvrant : il contient de nouvelles icônes. Mais Lacourt, lui, en voit aussitôt la valeur historique ou artistique ce qui ravive l'intérêt de Castaing et de Benhamou. La cupidité des deux pieds-nickelés est attisée et se confronte au point de vue idéaliste de Lacourt qui ne rêve, lui, que de découverte et de gloire archéologiques...
Canon de 150 mm actionné par des artilleurs turcs aux Dardanelles en 1915
(Wikimedia Commons - Deutsches Bundersarchiv)

Dehors, les bombardements turcs agitent la zone mais les hommes à l'intérieur du caveau ne s'en inquiètent pas encore, pourtant les deux tirailleurs à l'extérieur les exhortent à sortir. Tout à coup, Benhamou fut pris d'un sursaut, une main venait de le saisir à l'épaule mais ce ne pouvait visiblement pas être Lacourt ni l'adjudant qui venait de le toucher... un sentiment de peur et de nervosité commença à envahir les trois hommes. Ils se hâtent donc de terminer leur fouille du caveau. 

En inspectant de sa lampe les parois, Benhamou poussa un cri d'effroi en voyant apparaître des lettres de sang s'écrire sur le mur. Une main invisible était en train d'inscrire un message en caractères grecs ! Tout le monde est témoin et tous sont stupéfaits devant ce phénomène. Ils comprennent que le lieu est hanté, s'enfuient aussitôt et n'emportent avec eux que le coffret contenant les deux icônes que Castaing portait sur lui. Lacourt reste quelques instants de plus dans le caveau pour tenter de lire quelque chose dans ce message mais finit par rejoindre les autres fuyards.

Dehors, les trois zouaves s'enfuient précipitamment , les deux tirailleurs, irrités par cet empressement imprudent, finirent par les suivre dans leur fuite. Quelques instants après deux obus turcs vinrent s'abattre sur le caveau le réduisant à un énorme cratère. 
Tireurs turcs dans une tranchée
à Gallipoli en 1915
(Wikimedia Commons - Deutshes Bundesarchiv)

Les cinq fuyards s'en sortent indemnes mais sont vite repérés par des tireurs turcs. Lesquels finissent par toucher Diop, le dernier du groupe de fuyards. Blessé grièvement, il gît à terre et N'Diaye vient lui porter secours. Le tirailleur parvient à emmener son camarade jusqu'à la première ligne tenue par le 2e RMA. 

Ils y retrouvent les trois zouaves encore terrorisés. Après une longue attente, N'Diaye parvient à trouver de l'assistance en alertant des brancardiers sénégalais qui finirent par évacuer Moussa Diop, mais celui-ci décèdera dans la nuit. N'Diaye est furieux contre les trois zouaves car c'est leur imprudence qui a mis en danger la vie de son camarade et ne manque de le leur faire savoir. Mais les zouaves restent muets, ils sont encore sous le coup de ce qu'ils ont vu dans le caveau et ne veulent absolument pas en parler. Ce secret liait désormais Castaing, Lacourt et Benhamou. Le coffret et ses icônes, seuls objets rescapés du caveau qu'ils on profané avant qu'il ne soit anéanti, symbolisaient ce secret et allaient devenir le véhicule de la malédiction d'Anthémios désormais réveillée après onze siècles de sommeil...

A bientôt.

Olivier.     











jeudi 21 août 2014

Faites le tour du front d'Orient le temps d'une balade à Paris ! 

Ce mois-ci, je vous propose de découvrir quelques hauts-lieux du front d'Orient en faisant une balade dans le 17ème à Paris ! Il existe en effet dans cet arrondissement un pâté de maisons - coincé entre la porte des Ternes, la porte de Villiers, le boulevard périphérique et celui des Maréchaux - dans lequel plusieurs rues portent des noms faisant référence à ce front spécifique de la Grande Guerre. 
Détail de l'enceinte Thiers (muraille, fossé et talus de défense,
où des enfants font paître leurs chèvres...) autour de Paris
au début du XXe siècle (Wikimedia Commons - Julien Demade)

Comme tous les périmètres de Paris situés aux abords du boulevard périphérique, l'espace dont nous parlons ici a été  aménagé et construit dans les années 20, en lieu et place des anciennes fortifications, remparts et bastions qui entouraient la ville depuis l'époque de Louis-Philippe et que l'on appelait l'enceinte Thiers. La photo ci-contre témoigne de l'aspect encore champêtre des abords de la capitale à cette époque...

Comme on sortait tout juste de la guerre, les nouvelles voies créées ou réaménagées furent nommées ou renommées en l'honneur de généraux, de batailles ou de hauts-lieux de la Grande Guerre. Paris s'est ainsi retrouvée ceinturée d'avenues, de boulevards ou de rues célébrant Verdun, Le Chemin des Dames, Pershing, l'Yser ou la Somme, etc... Quant à ce petit secteur du nord-ouest de Paris auquel nous nous intéressons aujourd'hui, il est donc plus spécialement dédié au front d'Orient avec plusieurs rues y faisant référence.
Détail du quartier évoqué dans le 17ème arrondissement (Google Maps)

Le pâté de maisons dont il est question se situe à l'emplacement de l'ancien bastion 50 qui contrôlait l'accès et le secteur nord-ouest de Paris. Trois rues y ont été baptisées du nom de théâtres d'opération liées au front d'Orient.
Le Bouvet, croiseur français, gravement touché par une mine turque
aux Dardanelles, le 18 mars 1915 (Wikimedia Commons)

Rue des Dardanelles :
Votre serviteur sur le terrain...
Située tout près de la porte des Ternes, cette petite rue est adjacente au boulevard Gouvion Saint-Cyr. Elle fait référence bien-sûr à l'expédition qui fut la première opération navale et militaire alliée sur le front d'Orient. Imaginée par Churchill, son objectif était de s'emparer des détroits turcs (Dardanelles et Bosphore) et de vaincre l'Empire ottoman afin d'établir une jonction avec les Russes et encercler ainsi les Empires allemand et austro-hongrois. Les différentes phases de cette campagne se sont étalées sur toutes l'année 1915 et ont abouti à un fiasco total pour les Alliés et à un repli sur Salonique.

Vue de la rue des Dardanelles, depuis le boulevard de Dixmuide
Ouverte en 1928, cette rue a pris officiellement ce nom en 1929.  Ce théâtre des opérations est par ailleurs le cadre principal du 2ème tome de ma saga...


Avenue de Salonique : A quelques dizaines de mètres de là, on trouve l'avenue de Salonique qui prolonge l'avenue de Dixmuide (avenue qui fait référence à une autre bataille de la Grande Guerre, mais en Belgique celle-ci...), laquelle est adjacente à la rue des Dardanelles. Cette voie a été ouverte et annexée par la ville de Paris sur un ancien terrain de la ville de Neuilly-sur-Seine en 1929. Elle a pris ce nom en 1936. 


Soldats français au bivouac, à Salonique, en 1915
(Wikimedia Commons - BNF, Agence Rol)
Salonique, après l'expédition des Dardanelles, fut la principale base alliée dans les Balkans. Les Franco-Britanniques y établirent un immense camp retranché de l'automne 1915 jusqu'à la fin de la guerre. Cette grande ville du nord de la Grèce servit de base arrière et de lieu de débarquement des renforts, du matériel et des munitions nécessaires aux opérations alliées dans les Balkans, que ce soit en Grèce ou en Serbie, face aux Bulgares ou face aux Austro-allemands. Plusieurs scènes de mon roman s'y situent également.

Rue du Dobropol : Nous bouclons ce petit tour par la rue du Dobropol, parallèle à la rue des Dardanelles, qui fait référence à l'ultime opération alliée sur le front d'Orient, en 1918. Le Dobropol (ou Dobro Polje) est un massif de la Macédoine serbe (dans le sud de l'actuelle Macédoine) par lequel les Alliés franco-serbes parvinrent à forcer le verrou bulgare le 15 septembre 1918. Cette bataille, menée par le général Franchet d'Esperey, commandant en chef des Armées Alliées en Orient, est une victoire décisive, car un boulevard s'ouvrait pour la libération de la Serbie et cette poussée alliée précipita la capitulation bulgare deux semaines plus tard. 

Comme la rue des Dardanelles, la rue du Dobropol a été ouverte en 1928, et nommée en 1929, sur l'emplacement du bastion 50.


Vue de la rue du Dobropol, depuis le boulevard de Dixmuide

Après cette petite escapade parisienne, le blog retrouvera le cours du tome 2 le mois prochain.

Bonne fin d'été et à bientôt.

Olivier.