samedi 19 octobre 2013

Etrange phénomène dans l'église du monastère : le personnage représenté sur l'icône mystérieuse a changé d'expression !


Le blog des "Icônes de sang' fait enfin sa rentrée et reprend son cours avec le neuvième chapitre qui voit Anthémios être confronté à un phénomène extraordinaire dans le catholicon. Ce jour-là, le dimanche de Pâques, il découvre en effet que l'inconnu représenté sur l'icône mystérieuse a changé d'expression ! Ce personnage arbore désormais "un sourire inquiétant" (titre de ce chapitre), ce qui ne manque pas d'intriguer Anthémios...


Au début de ce nouveau chapitre, nous retrouvons Anthémios, âgé, dans sa chambre, en train de livrer sa confession à Justin. Le prêtre intervient pour lui demander de préciser ce qu'il a à confesser car il ne sait toujours pas pourquoi Anthémios dit avoir invoqué le diable durant son séjour dans ce monastère. Pour le moment, tout lui semble relativement normal dans ce qu'Anthémios lui a décrit de son parcours de novice. Il aimerait que son ami en vienne aux faits. Anthémios le rassure et lui promet qu'il va y venir. Il lui apprend que, selon lui, tout a sans doute commencé le jour du dimanche de Pâques dans l'église du monastère...
Staurothèque byzantine datant du début du IXème siècle
(Wikimedia Commons - Metropolitan Musem of Art)

Ce matin-là, dans le catholicon, eut lieu la Grande Liturgie de Pâques. Anthémios fut émerveillé par l'atmosphère qui régnait durant la cérémonie : la lumière dans la nef, les effluves d'encens, les objets du culte mis à l'honneur, en particulier la staurothèque contenant une relique de la Croix, témoignage de la Passion du Christ (ce reliquaire a déjà été évoqué lors d'un précédent post, en janvier, la photo ci-contre vous en présente un exemple datant de l'époque du roman, au début du IXème siècle), et surtout par les chants majestueux plus beaux que jamais en cette fête la plus importante de l'année.
Codex musical byzantin du XVème siècle,
à l'effigie du chantre Jean Coucouzèle (1280-1360),
monastère Megisti Lavra, Mont-Athos
(Wikimedia Commons)

En interprétant les différents chants, hymnes ou psaumes de Pâques, comme le Doxastikon ou le Polyéléos, Anthémios ressentit de fortes émotions et fit l'admiration de Démétrios, le chantre, et de Georges, son maître. Le jeune novice éprouva bonheur et fierté durant cette Grande Liturgie. L'image ci-contre vous donne un aperçu d'un ouvrage musical byzantin, comportant notamment des neumes, la notation musicale médiévale.

C'est en quittant l'église, à la fin de la cérémonie, pour rejoindre le réfectoire, qu'Anthémios remarqua que l'icône à l'inconnu avait quelque chose de particulier ce jour-là. En l'observant plus attentivement, il remarqua que le personnage arborait désormais un sourire. Stupéfait, Anthémios s'en va vite rejoindre son maître Georges à l'extérieur du catholicon. Il parvient à le décider à revenir dans l'église. Là, il lui demande d'observer le personnage pour vérifier s'il ne remarquait rien d'anormal. Mais quand Anthémios lui affirme qu'il a changé d'expression avec ce sourire, Georges se montre sceptique. Pour lui, cet inconnu a toujours été vaguement souriant.

Anthémios reste catégorique et pour lui l'image n'était pas souriante auparavant. Il cherche alors à savoir si elle n'avait pas été retouchée par Manuel, le peintre, tout récemment. Georges exclue cette possibilité, et pour trancher il propose de prendre à témoin un tiers et s'adresse à Alexandre, l'ecclésiarque, présent dans le catholicon à cet instant. Il lui expose le problème et lui demande ce qu'il en pense, en tant que responsable des objets du culte. Mais le vieux moine sacristain a du mal à se prononcer car sa vue lui joue des tours. Il est incapable de dire si l'icône lui semble comme à l'habitude ou non. Pour lui, son expression a toujours été ambiguë. Il y avait peut-être un léger rictus mais rien de franc... Bref, son avis ne leur apporte rien de bien nouveau , en tout cas il ne confirme pas la conviction d'Anthémios à ce sujet. Pour Georges, très sceptique, Anthémios se fait des idées. Il met fin à cette conversation en lui proposant de se rendre au réfectoire pour le repas pascal. Une fois à table, Anthémios mange sans empressement ni appétit, il est très troublé par cette vision. Il se demande si ce sourire n'était pas un mauvais présage. Inquiet, il se souvient alors de l'avertissement que la sorcière lui avait adressé la veille de son arrivée au monastère. 

Plus tard, dans l'après-midi, Anthémios participe avec l'ensemble des autre moines à la traditionnelle procession que la communauté organise à l'extérieur du monastère devant le portail, à l'attention des dévots de la région. A cette occasion, unique dans l'année, les moines ont sorti la staurothèque et les icônes de la clôture du monastère pour les rendre accessibles au public. A l'approche de ces reliques, les dévots espèrent une bénédiction en leur adressant des prières ou en les embrassant. C'est le seul moment dans l'année où l'ensemble des moines peuvent être en relation avec le monde extérieur. La foule attirant les mendiants et les infirmes, l'affluence à l'entrée du monastère est importante. 
Procession à proximité du catholicon du monastère Esphigménou, au Mont Athos,
lors de l'Ascension en juin 1978 (Wikimedia commons - Lipsio)
Les moines offrent également la possibilité, moyennant finance, de prélever de la poudre d'icône en raclant légèrement la peinture. Une fois recueillie celle-ci est mélangée à du vin, et la mixture miraculeuse obtenue est censée protéger et guérir celui qui la boit. La poudre peut être aussi vendue sans être diluée, pour être emportée et consommée plus tard par le dévot. Cette pratique, sans être systématique, était assez répandue dans les églises, les monastères ou les lieux de pèlerinage byzantins. Ce rituel n'est donc pas spécifique à ce monastère fictif. 

C'est Manuel, l'iconographe, aidé de son assistant Alexis, qui est chargé de cette tâche.  La forte affluence et le succès de ce rite font que Manuel doit utiliser l'ensemble des icônes pour fournir la quantité de poudre suffisante. Il lui faut en effet alterner les images pour éviter d'en endommager une plus particulièrement. Sur la fin, le peintre doit se résoudre à utiliser les deux icônes mystérieuses, ce qu'il n'avait jamais eu à faire les années précédentes... Il demande d'abord à Anastase, l'higoumène, ce qu'il en pense. Celui-ci lui donne son accord. La poudre de l'icône de la vierge à l'enfant fut ainsi servie à une demi-douzaine de personnes, quant à celle tirée de l'icône à l'inconnu, elle fut destinée à l'usage d'une famille de paysans de la région : un couple et ses trois enfants, chacun d'eux consommant une gorgée de cette mixture. 

Ainsi se termina ce dimanche de Pâques, qui, pour Anthémios, restera d'abord marqué par cette incroyable histoire d'icône changeant d'expression et qui l'inquiéta profondément.

A bientôt pour un nouveau post sur le blog des "Icônes de sang" !

Olivier.