jeudi 15 octobre 2015


Suivez Lacourt durant son évacuation et traversez la Méditerranée à bord de paquebots reconvertis en navires-hôpitaux !




Pour ce nouveau post, nous retrouvons Pierre, blessé et isolé dans le no man's land. Touché grièvement à l'épaule, il va être pris en charge par des brancardiers à la faveur de la nuit. Dirigé vers l'arrière, à l'hôpital de campagne de Seddul-Bahr, puis transporté sur un navire-hôpital à bord duquel il sera opéré puis évacué vers Toulon... avant d'être finalement réorienté vers la Tunisie... Pierre connaît une évacuation qui prend des airs de périple dans ce huitième chapitre intitulé justement "Les péripéties d'une évacuation"... 

Au début du chapitre, Pierre est à demi-inconscient dans son trou d'obus suite à sa blessure (voir post précédent) et la journée touche à sa fin. Il souffre et craint de mourir là, mais il a le mince espoir d'être secouru par les Français dont la deuxième ligne est proche. Il tient aussi en pensant à Madeleine, sa bien aimée. 

Une fois la nuit tombée, fatigué et désespéré, il finit par s'endormir. Pour peu de temps, puisqu'il est rapidement réveillé en sursaut par deux hommes : des brancardiers sénégalais. Ils lui portent assistance, lui donnent à boire avant de l'évacuer vers le poste de secours le plus proche, en essuyant quelques coups de feu turcs sans dommage. Il y reçoit les premiers soins par un infirmier qui l'ausculte et le prend en charge. Ce dernier remplit ensuite une carte rose : une fiche de diagnostic qu'il attache autour du cou de Pierre. Il y précise que le blessé est évacuable vers l'hôpital de campagne de Seddul-Bahr.
Soldats britanniques conduisant une ambulance hippomobile
tractée par des mules, aux Dardanelles en 1915 (Agence Rol - BNF Gallica)

Pierre est dans un état critique, il est aussitôt chargé et transporté dans une ambulance hippomobile. Un transfert rendu éprouvant par le terrain difficile et par la nervosité des bêtes effrayées par les coups de feu et les explosions dans les environs. Ils finissent par rejoindre l'hôpital auxiliaire de campagne n°9, situé dans le fort de Seddul-Bahr. Le lieu est bondé de blessés ou de mourants, et les brancardiers ne savent pas où déposer Pierre. Un médecin leur indique que l'hôpital est surchargé. Il examine brièvement Pierre, remplit une nouvelle carte de diagnostic et recommande de l'orienter vers Moudros, un port sur l'île de Lemnos, située à une soixantaine de kilomètres à l'ouest du détroit. Les alliés y ont installé une importante base arrière. 

De nouveau déplacé sur un brancard et conduit jusqu'à une navette, il rejoint, en compagnie d'autres blessés, Moudros dans la nuit. Arrivé là-bas, on le conduit directement à bord du Canada, un navire-hôpital qui mouillait là, sans même passer par la base. Epuisé, Pierre dût attendre longtemps avant d'être enfin pris en charge. Ici aussi, les équipes médicales étaient dépassées par l'afflux massif des blessés. C'est le médecin-major Defressine, médecin chef du navire, qui l'ausculte en personne. Il le fait conduire immédiatement en salle d'opération.

L'intervention est effectuée juste à temps pour le sauver. A défaut, il aurait trépassé et son corps aurait été jeté à l'eau, au petit matin, après avoir été lesté de barres de fer, comme tous ceux qui décédaient à bord. 
Le Canada à Salonique en septembre 1916,
dans sa configuration de croiseur auxiliaire pour le transport de troupes
(Imperial War Museums - French World War Official Exchange Collection)

Le Canada était en fait un paquebot reconverti en navire-hôpital. Il appartenait à la compagnie Cyprien Fabre et fut mis en service en février 1912. Réquisitionné par l'armée en août 1914, il fut aménagé pour accueillir 650 lits et fut affecté au front d'Orient à partir de mai 1915. Il assura ce service jusqu'en avril 1916, avant d'être de nouveau reconverti, en croiseur auxiliaire cette fois. A cet effet, il fut équipé de six canons de 75. Il sera restitué en juin 1917. Le Canada aura permis d'évacuer près de 7 600 blessés ou malades durant l'année pendant laquelle il fut utilisé à des fins sanitaires. 

Quelques jours plus tard, le navire-hôpital prend la mer. Le plein de blessés ayant été fait les jours précédents, notamment suite aux combats des 12 et 13 juillet qui ont fait énormément de victimes. Pierre fait partie de ceux-là. Son état est stabilisé mais reste sérieux, au point qu'il est éventuellement question de l'amputer. Pierre s'y oppose malgré les risques. Bien qu'éprouvant, le voyage jusqu'à Toulon est sans histoire. Pierre est dirigé vers l'hôpital militaire de la ville, il pense alors que son périple va enfin s'achever là. Malheureusement pour lui, l'hôpital est saturé. Dans un premier temps, il est décidé de le conduire, avec d'autres blessés, à Marseille par le train. 


Carte postale illustrée d'une photographie du Duguay-Trouin
dans sa configuration de navire-hôpital durant la Grande Guerre
(coll° Pierre Berrue - navires-hopitaux.blogspot.fr)
Finalement un contrordre l'oriente vers un autre navire-hôpital : le Duguay-Trouin qui doit se rendre à Bizerte, en Tunisie, avant de rejoindre la mer Egée. Cet ancien bâtiment de transport de marine a été transformé à l'été 1914 en navire-hôpital et dispose d'une capacité de 660 lits. 

Pierre doit donc subir une nouvelle traversée mais son état le permet. On lui trouvera certainement là-bas un lit disponible dans un hôpital. Arrivé à Bizerte, Pierre et les autres blessés sont ensuite acheminés jusqu'à Tunis. Pierre y sera admis à l'hôpital bénévole N°1 bis. Il s'agit d'un établissement temporaire qui a été installé dans les bâtiments de l'Ecole Coloniale d'Agriculture de Tunis, au nord de la ville, sur la route de l'Ariana. Aujourd'hui, cette école existe toujours, sous le nom d'Institut National Agronomique de Tunisie. 


Carte postale du début du XXe siècle représentant le bâtiment principal
de l'Ecole Coloniale d'Agriculture de Tunis (Wikimedia Commons) 





Pierre y est très bien soigné. Son bras est sauvé et malgré une douleur persistante sa convalescence se passe très bien. Dès le mois d'août, il entreprend d'écrire du courrier pour rassurer ses parents et surtout pour reprendre contact avec Madeleine. Il lui raconte sa blessure, sa convalescence et combien il l'aime. Il évite en revanche de lui parler de sa découverte archéologique, bien qu'il y ait songé. Il est beaucoup trop amer, car il se rend bien compte que le capitaine Saudal s'est moqué de lui et qu'il a certainement dû garder pour lui les icônes, sans en parler le moins du monde à l'état-major... Lacourt pouvait cependant se satisfaire d'avoir échapper à la mort, contrairement aux précédents possesseurs de ces icônes...

Le huitième chapitre se termine ainsi, avec Pierre qui se remet de sa blessure, loin du front, mais relativement proche de sa bien aimée...

A bientôt.

Olivier.                  

dimanche 12 juillet 2015

Faites un bond de cent ans en arrière et plongez aux côtés de Pierre Lacourt dans les combats du 12 juillet 1915 !




Ce post estival reprend le fil du deuxième tome et nous conduit au septième chapitre durant lequel Pierre Lacourt est amené à participer en première ligne, le 12 juillet 1915, à une nouvelle offensive sur le ravin du Kerevès-Deré. C'est la cinquième du genre, elle aboutira encore à un échec... Lacourt y connaîtra sa première attaque aux premiers rangs, son premier combat au corps-à-corps où il tuera pour la première fois de sa vie, avant d'être sérieusement blessé à la fin de la journée... C'était il y a 100 ans aujourd'hui...

Ce septième chapitre, intitulé "Nouvelles journées de combat", commence en amont d'une nouvelle offensive alliée sur le ravin du Kerevès-Deré. Le bataillon de Lacourt retourne aux tranchées le 10 juillet et y reste jusqu'au lendemain. Le 11 au soir, le commandant Rivet, chef du bataillon, convoque tous ses officiers subalternes pour leur donner des instructions sur l'offensive du lendemain. Son bataillon sera placé en réserve, mais il leur explique que le 2e bataillon, qui sera positionné en première ligne, a besoin d'être regarni et qu'à cette fin il faut prélever des hommes dans les autres bataillons. Il demande ainsi aux capitaines et lieutenants responsables des différentes compagnies de désigner des hommes pour passer dans les rangs du 2e bataillon. Saudal ne manque pas l'occasion de citer Lacourt parmi les hommes de sa liste. Lacourt sera ainsi en première ligne dès le lendemain matin, c'était un bon moyen de se débarrasser de ce gêneur... le seul encore vivant à connaître l'existence des icônes dont il est indûment en possession...
Carte de la zone de combat du Cap Helles,
le ravin du Kerevès Deré se trouve dans la case 18, sur la ligne de front
(Wikimedia Commons - RC Butcher)

Lacourt et les hommes désignés pour rejoindre le 2e bataillon montèrent le soir-même en première ligne pour rejoindre leur nouvelle affectation. Pierre Lacourt n'est évidemment pas ravi de ce changement de dernière minute, mais il est loin de se douter que Saudal est derrière tout ça... De plus, il souffre de la chaleur tenace, même en soirée, et doit boire régulièrement pour combattre la déshydratation. Ses camarades n'étaient pas plus fringants, certains souffrant de dysenterie... Pierre avait par ailleurs un mauvais pressentiment, quelque chose d'important allait se produire. Il tenta en vain de penser à autre chose, sa famille, ses proches, puis en revint au moment où il avait cédé ses objets byzantins au capitaine Saudal. Il se demandait quand est-ce qu'il aurait des nouvelles à ce sujet, si l'état-major avait trouvé le temps de s'y intéresser ?

Son groupe rejoignit la première ligne juste avant la tombée de la nuit. Les hommes se divisèrent entre les différentes compagnies du bataillon, avant de s'installer et de prendre une ration froide en guise de repas. Ils tentèrent ensuite de se reposer dans la fraîcheur de la nuit. Lacourt avait rejoint la 6e compagnie, l'une des trois qui participerait à la première vague d'assaut au petit matin. Pierre dormit tant bien que mal, fit de nombreux cauchemars et se rendit compte que s'être débarrassé des icônes ne changeait rien de ce point de vue là. Mais la perspective de l'attaque du lendemain n'y était sans doute pas pour rien... 

Aux lueurs du jour, les premiers tirs d'artillerie alliés se firent entendre. D'abord des tirs de réglage, puis des tirs ajustés sur les différentes lignes turques du secteur. Ce bombardement intensif durera trois quart-d'heures et précédera l'assaut de l'infanterie. En ce 12 juillet 1915, c'est-à-dire cent ans jour pour jour au moment où j'écris ces lignes, Pierre Lacourt s'apprêtait à monter l'assaut en première vague pour la première fois de sa vie ! 

Canon de 75mm de l'artillerie coloniale française en action
durant la troisième bataille de Krithia, le 4 juin 1915
(Wikimedia Commons - Central News Agency )
L'attente pendant le bombardement fut incroyablement stressante pour Lacourt et les autres Zouaves. Personne n'était dupe quant aux résultats de ces bombardements préliminaires : ils éclaircissaient partiellement les lignes ennemies mais annulaient tout effet de surprise quant à l'imminence de l'attaque... En face, les Turcs étaient donc déjà prêts à en découdre. Pierre éprouvait une peur profonde qu'il tentait de masquer comme tous ses autres camarades. Il craignait de mourir bien-sûr, mais plus encore de revenir affreusement blessé.

A un quart d'heure de l'heure H, les canons de 75 de la coloniale continuaient leurs tirs. Dans la tranchée, les Zouaves reçurent une dernière fois un récapitulatif des objectifs à atteindre et on distribua à chacun d'eux une double ration de gnôle, de manière à lever les dernières réticences... Pierre but pour sa part sans broncher, histoire d'anesthésier sa peur... Les baïonnettes furent ensuite mises aux canons, l'instant fatidique n'allait plus tarder et où il s'agirait de s'élancer vers la mort. 

Cette offensive était ambitieuse, étendue sur plus d' 1,5 km de front. Elle impliquait une attaque simultanée des Français et des Britanniques sur le secteur du ravin du Kerevès-Deré, un point stratégique pour percer sur la presqu'île. Une cinquième tentative pratiquement considérée comme celle de la dernière chance ou presque. Les Britanniques sont au nord, les Français au centre et au sud. Le 2e RMA, pour sa part, était au centre, à l'extrémité située près des Britanniques.

Au bout d'un moment, les tirs d'artillerie cessèrent. Il était 7h35, c'était l'heure H. Les sifflets retentirent dans les tranchées alliées et les hommes s'élancèrent dans le no man's land. Ils coururent pendant une vingtaine de mètres sur les pentes du ravin avant d'essuyer les premiers tirs turcs. De nombreux camarades autour de Pierre tombaient sous le feu des mitrailleuses et des fusils ottomans, sans compter les obus et les tirs de mortier. Beaucoup se jetèrent alors à terre, comme Pierre qui trouva refuge dans un trou d'obus. La progression sur le flanc du ravin tenu par les Turcs se fit donc lentement, par avancées successives. Mais cette progression était inégale d'un secteur à l'autre. A l'image de ce qui se passait justement dans le 2e bataillon : la 6e compagnie, où était affecté Pierre, avançait bien, mais la 7e compagnie perdait son cap après avoir perdu rapidement les gradés chargés de la diriger, elle avait tendance à converger vers celui de la 6e compagnie, quant à la 8e compagnie, elle restait bloquée dans son avancée, car elle était censée progresser en liaison avec les Britanniques qui étaient figés sur leur ligne par l'opposition turque. 
Mitrailleuses ottomanes aux Dardanelles en 1915
(Wikimedia Commons - Bundesarchiv)

Pierre et ses camarades se trouvèrent bloqués à une quarantaine de mètres de la tranchée turque. Le secteur était cadenassé par un nid de mitrailleuse qui abattait tout assaillant. Autour de Pierre, tremblant de stress, c'était un spectacle cauchemardesque : des morts partout, des blessés gémissant, quant aux autres ils se terraient derrière le moindre abri, certains pleuraient, terrorisés d'être là.

La situation demeura ainsi un moment, puis les Français tentèrent de faire sauter le nid à la grenade. Après une première tentative ratée, un deuxième essai fut couronné de succès : la grenade tua les deux servants et mis hors d'usage la mitrailleuse. L'assaut reprit alors et fut contenu à une quinzaine de mètres des lignes turques mais la deuxième vague d'assaut intervint alors pour donner l'impulsion décisive.

L'assaut au corps-à-corps fut sauvage et Lacourt se jeta dans cet enfer. Son premier combat ne tarda guère. Il fut opposé à un sous-officier blessé qui se battait au sabre de son bras valide comme un désespéré. Pierre para un premier coup à l'aide de son Lebel puis esquiva immédiatement la deuxième tentative dans un réflexe inespéré. Il parvint ensuite à lui asséner un violent coup de crosse au visage, ce qui lui laissa tout juste le temps de retourner son arme et de planter en un sursaut la baïonnette dans le ventre de l'Ottoman. Pierre n'en revenait pas lui-même : il venait de tuer un homme. Bouleversé, il n'osait pas l'achever. Il restait interdit, regardant s'éteindre lentement le Turc, jusqu'à ce qu'un officier français vint lui hurler de terminer ce qu'il avait commencé et d'achever cet ennemi. Ce n'était pas n'importe quel officier, il s'agissait du capitaine Saudal venu avec d'autres officiers ré-encadrer l'attaque, les pertes ayant été grandes parmi les gradés.

Le capitaine acheva immédiatement le Turc d'une balle dans la tête, avant d'adresser une dernière remontrance à Pierre et de repartir au combat. Pierre est sous le choc et observe le corps du sous-officier. De la vareuse de ce dernier tomba une montre à gousset que Pierre prit le temps d'ouvrir. Il y vit une photo de cet homme, assis avec sa petite fille sur les genoux. Submergé d'émotions, il fondit en larmes quelques instants avant que d'autres gradés ne le rappellent à l'ordre et à la réalité.

Dans le secteur de la 6e compagnie, la tranchée était prise mais il restait à occuper les segments que les autres compagnies n'avaient pas encore réussi investir. Cette tâche prit plusieurs heures et le 2e bataillon dût être aidé par le 3e, arrivé à la rescousse vers 10h du matin. Vers la mi-journée, la tranchée fut définitivement prise. Il fallait alors consolider cette position en vue de l'attaque de la prochaine ligne, objectif qui fut reporté au lendemain matin, l'attaque ayant pris trop de retard le premier jour. Cette consolidation était aussi nécessaire en vue de résister à une éventuelle contre-attaque turque. Les Zouaves n'y sont d'ailleurs pas à l'aise car le tronçon initialement réservé aux Anglais est encore entièrement aux mains des Turcs. Ils durent donc improviser une chicane dans la tranchée pour éviter les tirs en enfilade. Par ailleurs, l'arrière de la tranchée était bombardé par les Turcs pour éviter tout renfort. Un véritable enfer... 

Malgré cette situation inconfortable, on fit relever les hommes en fin d'après-midi en vue de l'attaque du lendemain. Le 3e bataillon fut ainsi relevé par le 1er, quant au 2e, celui de Lacourt, il fut remplacé par un bataillon du 176e R.I. La manoeuvre de transfert fut délicate et dangereuse sous le feu ennemi. 

Au terme de cette journée d'offensive, peu d'objectifs avaient été atteints et globalement l'attaque avait pris beaucoup de retard et nécessitait de se poursuivre une deuxième journée. Pendant le repli vers l'arrière, le bataillon de Lacourt essuya de nombreux tirs et l'un d'eux finit par toucher violemment Pierre à l'épaule, juste au dessus de l'omoplate. Il ressentit comme une forte décharge électrique avant de chuter à terre dans le no man's land. Il roula jusqu'à un trou d'obus. Personne ne l'avait vu se faire blesser, ni même se cacher, si bien qu'il resta isolé et oublié dans son trou et perdit connaissance. 
Kiosque à musique du square Bresson à Alger au début du XXe siècle
(Algéroisement vôtre)

Dans la chaleur, il alternait phase d'éveil et d'inconscience. Dans ses délires, il rêvait de son enfance auprès de ses parents, ainsi que, dans un passé plus récent, de ses études à Alger. Il repensa notamment à Hasna, la fille du voisin de sa tante, qui avait été son premier flirt là-bas, et surtout à Madeleine, une institutrice qu'il y a rencontré il y a alors près de 2 ans, en septembre 1913. C'était à la station de tramway du square Bresson, proche du théâtre. Il se remémorait leur rencontre, leurs sorties à Alger et leurs étreintes. C'est notamment dans la grotte de Cervantès, un lieu romantique près de la plage du Hamma, que les deux amoureux avaient échangé leurs premiers baisers. Il repensait aussi aux projets qu'ils avaient ensemble après ses études. Mais tout cela semblait s'éloigner irrémédiablement alors qu'il était en train de mourir dans ce trou d'obus à des milliers de kilomètres de là... 

Au terme de ce chapitre, le sort de Pierre est bien incertain et fragile... il ne pourra s'en tirer qu'avec l'aide d'une assistance médicale qui viendra peut-être avec la nuit...

Bon été et à bientôt.

Olivier.    

mercredi 8 avril 2015




Les Dardanelles au cinéma : une affaire turco-australienne !


Une fois n'est pas coutume, le blog parle de cinéma ! A l'occasion de la sortie du film "La Promesse d'une Vie", le 15 avril prochain, premier long métrage de Russel Crowe en tant que réalisateur, je vous propose un post qui revient sur les principales fictions ou documentaires cinématographiques ayant trait à la bataille des Dardanelles. Un tour d'horizon logiquement dominé par les productions australiennes et turques...
   


Les films sur le thème de l'expédition de Gallipoli sont relativement nombreux mais ils sont le plus souvent le fait de réalisateurs turcs ou australiens, et beaucoup plus rarement de leurs homologues britanniques ou français. Ce constat est assez logique car en France ou au Royaume-Uni , les Dardanelles ne sont qu'un épisode parmi d'autres dans la longue litanie de batailles qui se sont succédé durant la Grande Guerre. Un épisode qui s'est d'ailleurs soldé par un échec... Bref, rien de très vendeur pour une production cinématographique dans ces pays... 

En revanche, en Turquie, en Australie ou en Nouvelle Zélande, cette bataille a véritablement la dimension d'un mythe fondateur. Côté turc, elle est un symbole de fierté nationale, celle d'avoir résisté à une coalition internationale et de l'avoir mise en échec, alors qu'il s'agissait de la plus grande opération amphibie jamais réalisée jusque là. Pour les Australiens et les Néo-Zélandais, cette participation à cette bataille est un événement qui marque l'entrée de ces deux pays dans le concert des nations. C'était la première fois que les armées de ces pays, encore simples dominions de l'Empire Britannique, participaient à un conflit international. Le 25 avril, jour du débarquement aux Dardanelles, est d'ailleurs férié dans ces deux pays. Il est désigné sous le nom d'Anzac Day et est aussi populaire là-bas que le 14 juillet chez nous.

Il est donc naturel que ce soit dans ces pays que les principaux films sur le sujet aient été produits. Voici un panorama des films notables tournés ces dernières décennies, en commençant par le plus récent, celui de Russel Crowe qui fait l'actualité en ce mois d'avril.

L'affiche française du film (Universal Pictures France)


La Promesse d'une Vie (The Water Diviner), de Russel Crowe, 2014 : Sans surprise, ce premier long métrage a fait un carton à sa sortie, pendant les fêtes, en Australie. Il ne pouvait en être autrement : Crowe est un dieu vivant dans sa mère patrie et le thème de Gallipoli y est mythique. Reste à voir l'accueil qu'il va recevoir en Europe. Il sortira le 15 avril en France et en Belgique. Les quelques critiques que j'en ai lu pour le moment sont plutôt encourageantes pour un premier film et c'est Russel Crowe lui-même qui porte le film à bout de bras. Il est la seule vraie star du casting et c'est d'ailleurs sur son nom que cette production américano-australienne a pu être montée et financée. A défaut, il est probable que le film n'aurait jamais vu le jour.
Russel Crowe durant le tournage (Wikimedia Commons - Basil Fox)










Cette histoire a pour particularité de se situer après guerre et non pas pendant les combats, bien que certains flash-backs au cours du récit nous y entraînent. 
L'action se situe en effet en 1919 et le personnage principal, Joshua Connor, interprété par Russel Crowe donc, est un paysan australien qui part en Turquie à la recherche des dépouilles de ses trois fils tués quatre ans plus tôt aux Dardanelles. Il en avait fait la promesse à sa défunte épouse. Ce rural, un peu rustre, est avant tout sourcier (d'où le titre de la version originale The Water Diviner) dans la vie et son périple en Turquie est assez tumultueux : déboussolé par les aspects déroutants de Constantinople et confronté aux autorités militaires britanniques qui font obstacle à ses démarches. Il va finalement bénéficier de l'aide d'une hôtelière nommée Ayshe et interprétée par la belle Olga Kurylenko, ainsi que par un officier turc sensible à son entreprise... 
Je suis curieux de découvrir ce premier film qui a déjà le mérite de traiter d'un aspect méconnu de cette bataille : celui de la recherche et de l'identification de dépouilles sur la péninsule après la guerre.
Plus que quelques jours à attendre, le film sortira dans les salles mercredi prochain. Pour patienter, voici un lien vers la bande d'annonce de ce film prometteur, comme le sous entend son titre... https://www.youtube.com/watch?v=23kgkr6vD-8
        
L'affiche turque originale (TT Film)

Gallipoli, la bataille des Dardanelles (Canakkale Yolun Sonu), de Kemal Uzun, 2013 : Ce film turc a été l'un des grands succès au box-office 2013 dans ce pays. Doté d'un budget conséquent pour une production turque, ce film a grand spectacle comporte des scènes de guerre assez convaincantes et raconte le parcours de deux frères turcs qui se retrouvent à combattre aux Dardanelles. L'un des enjeux du film est de suivre la destinée de ces deux frères, il est question aussi d'un duel à distance entre deux tireurs d'élite australien et turc, ainsi que d'une histoire d'amour (très chaste) entre ce dernier et une infirmière ottomane. Critiqué pour quelques détails matériels non respectés ou quelques effets spéciaux peu subtils, ainsi que pour son côté un peu trop nationaliste, ce film reste de bonne qualité et la vraisemblance de le reconstitution historique est plutôt concluante. Cette fiction a par ailleurs le mérite d'offrir un point de vue turc sur cette bataille. Je vous propose d'en découvrir la bande annonce sous le lien suivant : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19545466&cfilm=215744.html



L'affiche utilisée en France
lors de la sortie du documentaire (Ekip Films)

Gallipoli, la bataille des Dardanelles (Gelibolu), de Tolga Ornek, 2005 : Seul documentaire de cette sélection, ce film turc porte en français le même nom que le précédent... mais contrairement à celui-ci, il a été diffusé dans les salles en France, l'année de sa sortie, il y a maintenant 10 ans et dans un relatif anonymat. Il est pourtant de très bonne qualité, même si on peut lui reprocher de s'intéresser essentiellement aux opérations turques ou à celles de l'ANZAC durant la bataille et moins à celles des Britanniques ou des Français qui ont pourtant été majeures. La version anglaise a pour particularité d'être notamment racontée par Jeremy Irons... Pour visionner la bande annonce de ce documentaire intéressant et en savoir plus sur celui-ci, utilisez le lien suivant: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18403808&cfilm=107985.html

L'affiche originale du film
(Wikimedia Commons - The Australian Film Commissio
n)
Gallipoli, de Peter Weir, 1981 : Nous terminons par un classique, celui qui reste le film référent sur le thème des Dardanelles. Tourné il y a déjà trente-quatre ans, par un Peter Weir alors en début de carrière, "Gallipoli" n'a pas pris un trop fort coup de vieux et se regarde encore avec plaisir (il vient d'ailleurs de passer ce soir sur Arte, alors que j'écrivais ces lignes...). Weir n'avait pas encore connu les grands succès qui marqueront son parcours les années suivantes comme "Witness", "Le Cercle des Poètes Disparus", "Green Card" ou "The Truman Show" notamment mais il fait déjà preuve d'une belle maîtrise dans ce drame historique même si ce n'est certainement pas son meilleur film. Son "Gallipoli" retrace le parcours de deux amis australiens, Frank Dunne et Archie Hamilton, athlètes prometteurs, qui en viennent à s'engager en mai 1915 pour aller combattre lors de la Grande Guerre. Ils se retrouvent à Gallipoli et y découvrent les horreurs de la guerre... Les scènes sur le front n'occupent à peine que la deuxième moitié du film, même si ce sont les plus marquantes, en particulier la scène finale véritablement déchirante devenue quasi-mythique (d'ailleurs évoquée sur l'affiche du film ci-dessus). L'essentiel du film se concentre sur l'avant-guerre et l'amitié, ainsi que la vie sportive, des deux personnages principaux, puis leur période de mobilisation et d'instruction, notamment en Egypte. En cela, ce film n'est pas sans faire penser à un mélange, à la sauce australienne, de deux films sortis à peu près à la même époque : Voyage au Bout de l'Enfer (1978) et Les Chariots de Feu (1981). 
La réussite du film tient dans l'entente des deux acteurs principaux, Mark Lee, dans le rôle de Hamilton, censé être alors la star du film et dont on n'a plus vraiment entendu parlé depuis... et par un jeune débutant nommé Mel Gibson, dans le rôle de Dunne, et qui a fait, pour sa part, une toute autre carrière...
Mark Lee et Mel Gibson lors d'une scène nocturne du film (Wikimedia Commons - The Australian Film Commission)
C'est véritablement Mel Gibson qui porte ce film, il avait alors déjà été vu dans Mad Max (1979) mais c'est bien avec ce premier rôle majeur qu'il sera révélé au grand public. Ce film, dont le scénario est basée sur une histoire de Peter Weir lui-même, a connu un beau succès et a été primé l'année de sa sortie par la plus haute distinction du cinéma australien. On notera que la musique originale du film est signée Brian May, le guitariste de Queen, et que les musiques additionnelles sont le fruit d'un certain Jean-Michel Jarre. Des morceaux de compositeurs classiques, comme Albinoni, viennent également compléter la bande son.

Pour vous remettre dans l'ambiance de ce film très "Années 80", et revoir Mel Gibson avec trente quatre années en moins, je vous propose un lien vers la bande annonce de l'époque: 
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19487646&cfilm=30736.html           


Voilà pour les films les plus notables. Il y en a d'autres que l'on aurait pu évoquer, mais il y a aussi des projets qui auraient pu voir le jour et qui sont restés dans les tiroirs, comme celui de Peter Jackson, le fameux réalisateur néo-zélandais des trilogies du "Seigneur des Anneaux" et du "Hobbit". Jackson avait pour projet à la fin des années 2000 d'adapter un remake du "Gallipoli" de Peter Weir mais avec des personnages néo-zélandais. A l'instar de Russel Crowe, il imaginait le sortir pour 2015 en prévision du centenaire de la bataille qui sera commémoré à la fin de ce mois. Il faut dire que son grand-père a combattu aux Dardanelles et que cette expédition fait donc partie de l'histoire familiale chez les Jackson. Finalement, pas convaincu par l'intérêt de réaliser un simple remake à la sauce néo-zélandaise, le cinéaste semble avoir mis ce projet de côté. 

Alors, Peter, si tu nous lis et que tu cherches une histoire originale à adapter sur le thème des Dardanelles, pense à "La Découverte de Gallipoli" ! Même adapté avec des soldats ou des personnages néo-zélandais, plutôt que français, ça fonctionnera ! J'attends ton message...

A bientôt.

Olivier.  













jeudi 12 mars 2015




Des fouilles archéologiques en milieu hostile !


Nous nous penchons sur le sixième chapitre à l'occasion de ce nouveau post. Nous suivons Pierre Lacourt se rendant sur le chantier de fouilles d'Eléonte, un site archéologique exploré sur l'initiative de l'armée française et situé à quelques centaines de mètres de la ligne de front ! A défaut d'y trouver un archéologue à qui remettre son coffret byzantin et son contenu, Lacourt finira par le faire auprès de sa hiérarchie. C'est le capitaine Saudal qui, au terme de ce chapitre, va hériter de ces objets qui changent une nouvelle fois de mains...       
   

Au début de ce chapitre , Pierre , installé dans la tranchée, prend le temps d'observer tranquillement les icônes qu'il détient depuis la fin du chapitre précédent. Il a ainsi confirmation de ce qu'il avait observé le jour de la découverte : l'origine médiévale et byzantine de ces icônes. Il se rend compte qu'elles sont d'un Moyen Age plutôt ancien et qu'il est important de les mettre à l'abri et de les préserver des périls de la guerre. En même temps, il est fasciné par ces images et ressent un fort magnétisme de leur part, en particulier chez celle représentant le personnage inconnu. Au point de presque oublier le sort néfaste qui avait été celui des précédents possesseurs. Malgré tout, son plaisir résidait d'abord dans le fait de présenter ses découvertes, lui qui rêve de devenir archéologue. D'ailleurs le titre de ce chapitre "Des objets à présenter" ne doit rien au hasard... 

La scène suivante nous amène, quelques jours plus tard, dans la nuit du 4 au 5 juillet 1915, qui voit les Turcs mener des offensives contre les ligne franco-britanniques. Le 2e R.M.A, dans lequel évolue Pierre, est directement concerné car placé en première ligne. Toutefois, le bataillon dans lequel notre héros est affecté sera peu menacé par cette attaque. Le secteur qu'il couvrait était protégé par des feux d'artillerie qui empêchaient toute charge turque dans la zone. Pierre se sort donc indemne de ces nouveaux combats. 
Soldats français au repos dans les tranchées aux Dardanelles,
 Photo de presse, agence Rol (Source Gallica.fr / BNF)

Son régiment finit par revenir à l'arrière, à Seddul-Bahr, au camp de l'Eperon, le 6 juillet. Pierre y prend un peu de repos, rédige des courriers et tient à jour son carnet. De quoi oublier un peu le front même s'il est proche et que les cimetières fleurissent un peu partout sur la presqu'île.
Cimetière allié en bord de mer aux Dardanelles, 
photo de presse, agence Rol (Source Gallica.fr / BNF) 
Pierre met surtout à profit ce répit
 pour s'occuper de ses objets archéologiques. Il a appris que des fouilles avaient été entreprises à Elaious (que les historiens nomment Eléonte de Thrace), une ancienne cité antique située sur un plateau à proximité du camp. L'état-major avait pris cette initiative pour sauver sur le site les objets qui pouvaient l'être avant que l'endroit ne soit irrémédiablement détruit par les combats. C'est plus exactement la nécropole de cette cité qui fait l'objet de fouilles. C'est dans cette même nécropole qu'Anthémios et la sorcière viennent chercher de vieux ossements pour s'adonner à la sorcellerie, onze siècles plus tôt, dans le premier tome...  

L'état-major a confié la direction des fouilles à Edouard Dhorme, un moine qui est membre de l'Ecole biblique de Jérusalem. Cet éminent assyriologue sert comme sergent aux Dardanelles. Evidemment, son affectation sur ce front oriental n'est pas totalement le fruit du hasard. Cette opération archéologique est autant une mission de sauvegarde qu'une opportunité de pillage savamment organisée. Quoi qu'il en soit, ces recherches, qui s'étalèrent de juillet 1915 jusqu'à l'évacuation des Dardanelles à l'automne, furent fructueuses avec de nombreux objets mis au jour. Les plus belles pièces seront ainsi exposées au Louvre, comme cet aryballe ci-dessous, un vase en forme de globe.
Aryballe globulaire de type corinthien et représentant des hoplites,
trouvé dans un sarcophage de la nécropole d'Eléonte de Thrace
lors des fouilles de l'armée d'Orient, VIème siècle avant JC,
Musée du Louvre (Wikimedia Commons - Marie-Lan Nguyen)
Les autorités turques, plus tard, après le conflit, exigeront d'ailleurs la restitution de ces prises faites sur le terrain à la faveur de la guerre.


Pierre a donc dans l'idée de se rendre sur le chantier pour y présenter à Dhorme ses objets. C'est le meilleur interlocuteur dont il puisse rêver dans ce contexte. Il aurait par ailleurs l'occasion de rencontrer un véritable archéologue, ce qui lui serait toujours utile pour obtenir des conseils dans ses projets d'archéologie, plus tard, une fois la guerre terminée.  

Pierre connaît bien le passé archéologique de la péninsule puisqu'il sait que Schliemann y avait effectué des fouilles, vingt-cinq ans plus tôt, pour y rechercher le tombeau de Protésilas, le premier héros tué lors de la guerre de Troie, selon l'Iliade, sur la rive européenne du détroit.

Pierre se rend l'après-midi même sur le chantier. Il avait hâte de se débarrasser de ses objets maudits, qui lui faisaient faire des cauchemars depuis qu'il les possédait. Il était impatient également de les partager auprès du moine-archéologue. Il compte aussi lui présenter la plaquette de défixion, afin qu'il puisse l'expertiser et la traduire. Peut-être apprendrait-il alors des choses importantes sur la malédiction ?

Le site est exposé, sur un plateau, et les lignes turques ne sont pas très loin. Les tirs étaient fréquents, mais quand Pierre arrive tout est plutôt calme. Il y trouve quatre hommes du génie de la 1ère division en train de déblayer le site, mais pas le sergent... Conversant avec l'un d'eux, Lacourt apprend que Dhorme est parti présenter un rapport à l'état-major. Les travaux ayant commencé depuis peu, il est parti exposer un compte-rendu des premières trouvailles et de l'avancée des recherches. Pierre comprend qu'il ne pourra pas le trouver avant le lendemain, au mieux, il est fortement déçu. Il s'attarde un peu pour observer quelques objets ou tessons dégagés de la nécropole, notamment des fragments de canthare sur lesquels sont représentées des Amazones, de style attique à figures rouges.

Pendant qu'il hésite sur ce qu'il doit faire, les manoeuvres lui conseillent vivement de se planquer car les lieux ne sont pas sûrs. Effectivement, quelques balles turques fusèrent dans les environs et l'obligèrent à se cacher un instant. Pierre découvre ainsi les émotions fortes de l'archéologie en milieu hostile... Il finit par rentrer au bivouac et décide de livrer ces objets à sa hiérarchie militaire. En particulier au chef de son régiment, le lieutenant-colonel Bernadotte.
Le général Bailloud (à l'extrême gauche) et un groupe d'officiers
aux Dardanellesdont le général Gouraud au 3e rang depuis la gauche
(Source Gallica.bnf.fr / BNF)

Le soir-même, il en parle à un sous-officier qu'il finit par convaincre de se rendre au mess pour rencontrer le lieutenant-colonel. L'adjudant ne l'y trouve pas et se dirige alors vers le cantonnement des officiers. Il finit par croiser le capitaine Saudal et se renseigne auprès de lui : le lieutenant-colonel est en réunion d'état-major auprès du général Bailloud en compagnie des commandants du régiment. Une nouvelle offensive est en préparation, les principaux officiers sont indisponibles. 

Saudal se propose alors de recevoir le requérant et de transmettre ensuite la demande à ses supérieurs. Cela ne pouvait pas enchanter Lacourt, car il n'aime pas Saudal mais il finit par se résoudre à passer par son entremise malgré sa réticence. Les débuts de l'entretien sont un peu laborieux mais Saudal obtient finalement de Pierre de présenter sa requête. Le jeune zouave explique alors la découverte du caveau, début juin. Le capitaine apprend ainsi les détails concernant le caveau, ce qu'il contenait et sa destruction. Lacourt conclut sur le fait qu'ils n'ont emmené avec eux qu'un coffret et le présente alors à Saudal.  Il l'ouvre et lui fait ainsi découvrir les icônes. Il est tout de suite captivé par ces objets et comprend leur valeur historique et financière. Lacourt lui confirme que ce sont les seuls objets épargnés par le bombardement et que le caveau a été anéanti. 

La capitaine pose encore plusieurs questions à Pierre, notamment sur le délai qu'ils ont mis à signaler cette découverte, plus d'un mois après. Pierre n'est pas à l'aise pour l'expliquer mais il met en valeur son sens des responsabilités en remettant ces objets à la hiérarchie, d'autant qu'il est le dernier découvreur encore en vie. Cette information intéresse Saudal qui le récompense non sans arrière-pensée. 

Ils parlent brièvement de Dhorme puis Saudal félicite encore Lacourt pour son intégrité et le flatte en invoquant tout le prestige scientifique de sa découverte. Pierre finit ainsi par lui céder les objets. Le capitaine était ravi de cette opportunité totalement inattendue... quant à Lacourt, il était heureux et soulagé de s'être séparé de ses objets en les cédant à sa hiérarchie.

Les icônes sont ainsi dans les mains d'un nouveau propriétaire à l'issue de ce sixième chapitre.

A bientôt.

Olivier.

           

lundi 26 janvier 2015


Des fantômes dans le no man's land ! 


Pour ce premier post de 2015, année du centenaire de l'expédition des Dardanelles, le blog se penche sur le cinquième chapitre intitulé "Apparitions extraordinaires et disparitions ordinaires". Les icônes vont encore y changer de mains plusieurs fois, la mort frappant les possesseurs de ces objets. Benhamou et N'Diaye, avant de périr, vont cependant vivre des phénomènes extraordinaires avec l'apparition de spectres dans le no man's land...
   

Ce cinquième chapitre commence lors de la soirée du 23 juin 1915, alors que le  le 2e RMA est en première ligne depuis la veille au soir. Le secteur est calme et les hommes se relaient pour effectuer des tours de guet afin de surveiller la tranchée turque. Benhamou effectue le sien peu avant minuit. Il se met en place et observe les lignes turques. Fatigué par la dureté des journées dans la tranchée et souffrant d'un sommeil agité depuis qu'il est en possession des icônes, Benhamou parvient néanmoins à ne pas s'endormir.
No man's land situé entre des lignes australiennes
et allemandes dans un secteur d'Ypres (Belgique) en octobre 1917
(Wikimedia Commons - Australian War Memorial)

Au bout de 30 minutes de guet environ, il aperçoit à la jumelle une vingtaine de silhouettes circulant dans le no man's land. Elles avançaient parallèlement aux tranchées, à mi-distance des lignes turques et françaises. Il remarque que l'allure de ces silhouettes était étrange, elles se déplaçaient lentement et avec aisance, sans se soucier du terrain et des tranchées. Benhamou comprit que ce n'était pas des soldats. Il distingue comme une lueur autour de ces silhouettes. Il constate également que ni les Turcs ni les Français ne semblent les voir. Il était apparemment le seul à apercevoir ces êtres, ce qui ne le rassurait pas. D'autant plus qu'il voyait que ces silhouettes se dirigeaient maintenant vers lui... 
Soldat français lançant
une fusée éclairante en 1915,
photo de presse, agence Meurisse
(Wikimedia Commons -
Bibliothèque Nationale de France)

Le zouave était désormais convaincu qu'il s'agissait de spectres. Il donna l'alerte  et demanda à un autre guetteur d'expédier une fusée éclairante. Cette sentinelle ne voyait rien mais accepta finalement de lancer une fusée. La lumière artificielle révéla un no man's land vide de toute présence. Benhamou resta, lui, possédé par ses visions et s'empara de son fusil avant de tirer l'ensemble des balles qu'il contenait. L'autre sentinelle ne comprenait pas sur qui il tirait, et Benhamou criait et affirmait que ces fantômes venaient le chercher.

Les autres zouaves tentèrent de le calmer mais il n'entendait rien. Il fallut qu'un lieutenant l'interpelle pour qu'il réagisse enfin et comprenne que personne d'autre que lui
ne voyait ces spectres. Il dut s'expliquer auprès de l'officier . Le lieutenant lui passe un bref savon qui fut interrompu par l'intervention du capitaine Saudal qui avait lui aussi entendu les coups de feu de Benhamou. Le capitaine demandera simplement un rapport sur l'incident, mais le lieutenant menacera encore Benhamou de mesures disciplinaires. Le zouave fut ainsi relevé de son poste de garde.

Benhamou alla se reposer dans la tranchée, certain des visions qu'il avait eu, même si personne d'autre n'avait vu quoi que ce soit. C'est auprès de Lacourt qu'il s'installa pour se reposer et discuter de ce qui lui était arrivé. Il lui raconta qu'il était convaincu d'avoir vu des fantômes et qu'il lui semblait qu'ils portaient des vêtement amples, comme des tenues de religieux. Lacourt, qui avait vécu avec lui une expérience paranormale dans le caveau, n'en était pas étonné et accorda du crédit aux dires de Benhamou.

Benhamou était convaincu que la péninsule était hantée et qu'il fallait la quitter sans tarder. Lacourt tenta de le calmer et lui conseilla de se reposer. L'Algérois reconnut que c'est finalement N'Diaye qui avait raison : ils n'auraient jamais dû pénétrer dans le caveau et emporter les icônes. Elles étaient certainement maudites. Lacourt lui demanda alors de les lui céder, mais Benhamou refusa, préférant attendre malgré tout d'avoir l'occasion de les vendre. Il se coucha ainsi de mauvaise humeur et inquiet. 

Le lendemain, le 2e RMA fut relevé par le 8e RMIC. Les zouaves durent donc s'extraire de la première ligne pour rejoindre l'arrière. Une manoeuvre relativement risquée pendant laquelle les soldats sont exposés aux tirs turcs. Pendant ce parcours de retraite, un soldat fut touché lors d'un passage à découvert. Benhamou vint porter secours au malheureux. Il parvint, malgré les tirs turcs et un obus de shrapnel qui éclata à proximité, à le mettre à l'abri. Il commença à lui parler et à le rassurer. Mais il cessa rapidement de parler, se sentant défaillir. Il ne s'en était pas rendu compte mais des éclats de shrapnel l'avaient touché dans le bas du dos et il perdait beaucoup de sang.    
     
Lacourt vint le secourir tandis que l'autre blessé était pris en charge par un autre soldat.. Il porta Benhamou sur son dos jusqu'à la deuxième ligne tenue par le 7e RMIC. Dans la tranchée N'Diaye vint les trouver. Il échangea avec Lacourt sur l'état de Benhamou qui était en train d'agoniser même s'il pouvait encore parler . Il eut d'ailleurs quelques échanges avec Lacourt. Il reconnut ensuite N'Diaye à proximité et lui reparla des icônes et de leur caractère maudit. Il lui dit qu'il aurait mieux valu ne pas y toucher et les laisser là où elles étaient, chez les morts. Elles n'apportaient que le malheur et la scoumoune.

Il expira dans les bras de Lacourt. Ce dernier finit par fouiller dans la besace de Benhamou et y récupéra le coffret aux icônes. N'Diaye réagit alors pour l'en dissuader et et le convaincre de le lui remettre afin qu'il aille le redisposer là où il avait été trouvé.A contre-coeur, Lacourt finit par accepter. Le coffret aux icônes se retrouve ainsi aux mains d'un nouveau propriétaire. 
Charge de soldats britanniques de la Royal Naval Division,
lors d'un entraînement sur l'ïle de Lemnos.
Photo tirée d'un article de The War Illustrated du 31 juillet 1915
(Wikimedia Commons - Australian War Memorial)
Le général Henri Gouraud au Maroc,
amputé du bras droit
après sa blessure aux Dardanelles
Photo tirée du journal "Lectures pour tous"
du 15 février 1917 (Wikimedia Commons - Sebb)

Le chapitre continue ensuite avec une transition quelques jours plus tard, le 30 juin, date de la quatrième offensive sur le ravin du Kéréves Déré. Une journée qui vit quelques succès britanniques mais aussi des contre-attaques turques contre l'Anzac (Australian and New-Zealander Army Corp). Toutes ces opérations firent encore plusieurs milliers de victimes sans véritables progrès notables. 

Côté français, on déplora ce jour-là la blessure du général Gouraud, le chef du corps expéditionnaire d'Orient. Il fut touché par un obus turc tiré de la rive asiatique qui lui fera perdre un bras... Il sera remplacé par le général Bailloud. Le front des Dardanelles était si mince que même l'état-major n'était pas à l'abri des tirs ennemis. Les Britanniques avaient perdu, par exemple, le général Bridges, tué dès le 15 mai... 

Le chapitre se poursuit début juillet où l'on retrouve le 7e RMIC, où évolue N'Diaye, qui est en première ligne. Après le repas, le tirailleur prend du repos dans la tranchée et s'endort d'un sommeil relativement agité. Vers le milieu de la nuit, encore endormi, il entend une voix l'appelait. Elle était en wolof, sa langue maternelle, et elle lui était familière. Il finit par reconnaître la voix de sa mère, laquelle était décédée seize ans plus tôt... Personne d'autre que lui ne semblait l'entendre... 

Il chercha d'où venait la voix et il en trouva l'origine dans le no man's land à une quinzaine de mètres de lui : il vit sa mère assise sur un rocher ! Elle l'invitait à le rejoindre. Il grimpa par dessus le parapet tout en l'appelant lui aussi. 

Les autres tirailleurs le hélèrent pour qu'il revienne immédiatement se mettre à l'abri. N'Diaye ne les entendait pas et restait pris par sa vision. Il comptait rejoindre sa mère et cela était le plus important. Sa sécurité devenait secondaire et il était dangereusement exposé. Au moment où il allait serrer sa mère dans les bras, le spectre de celle-ci s'évapora soudainement. Il fut bien vite repéré par les guetteurs turcs . Un fusée éclairante est rapidement envoyée et révèle aux tireurs turcs le tirailleur seul face à eux. Une mitrailleuse fut activée, balayant le malheureux Sénégalais. Dans la tranchée française, c'était l'incompréhension. Certains pensaient que N'Diaye s'était suicidé, d'autres qu'il avait perdu la raison.  

Ces histoires de revenants dans ce no man's land sont l'oeuvre de mon imagination d'auteur, mais il est en revanche un témoignage sur l'apparition d'un fantôme sur le champ de bataille de Gallipoli qui est, lui, parfaitement authentique... Il s'agit d'un archéologue américain qui, au début des années 50, alors qu'il bivouaquait un soir dans les collines de la péninsule de Gallipoli, aperçut au loin une silhouette tirant un âne lequel semblait porter un corps... intrigué, l'archéologue l'appelle mais n'obtient aucune réponse et les voit s'éloigner, il tente de les rejoindre sans y parvenir. La même scène se reproduit le lendemain, il voit que le corps sur l'âne porte des bottes en cuir, comme un militaire, mais ne parvient toujours pas à les rejoindre. Il revivra la même scène plusieurs jours durant !  Puis, quelques années plus tard, en 1968, l'archéologue rendra visite à un ami anglais philatéliste. Ils ont une discussion au sujet de son passage à Gallipoli et son ami lui présente alors des timbres australiens de sa collection commémorant cette bataille qui est un mythe dans ce pays. Et là, l'archéologue est stupéfait : il voit très exactement sur un timbre la vision qu'il avait eu quinze ans plus tôt à Gallipoli. Un timbre arborait en effet un infirmier australien tirant un âne qui portait un soldat blessé !
Simpson et son âne portant un soldat blessé à la jambe,
en avril ou mai 1915 (Wikimedia Commons - J.A. O'Brien
)
Cet infirmier d'origine anglaise est une légende en Australie et se nommait John Simpson Kirkpatrick. Grâce à son âne, il avait réussi à sauver des dizaines de blessés qui auraient certainement péris sans son intervention. Simpson a malheureusement trouvé la mort en mai 1915, touché par des éclats d'obus turcs et fut enterré dans les collines... probablement près de l'endroit où l'archéologue apercevra son spectre 35 ans plus tard. 


Soldats de l'ANZAC récupérant des corps dans le no man's land
lors de la trêve du 24 mai 1915
(Wikimedia Commons - Australian War Museum)
Le corps de N'Diaye resta dans le no man's land et ne fut pas récupéré par les tirailleurs lorsqu'ils quittèrent la première ligne pour l'arrière. Le corps était difficile à récupérer dans un secteur exposé aux tirs turcs. Aucune trêve n'ayant été convenue entre les deux camps pour récupérer les corps, comme cela avait été le cas, par exemple, le 24 mai, il fallut avoir recours au volontariat. 

Ce sont des hommes du 2e RMA qui s'en chargèrent, les zouaves de ce régiment venant de monter en première ligne. Parmi les volontaires qui ramenèrent les cadavres les plus proches de la tranchée française, on dénombra Lacourt. C'est lui qui finit par découvrir et récupérer le corps de N'Diaye. Malgré quelques tirs ennemis, il prit le temps de chercher le coffret aux icônes dans le sac du tirailleur. Le parcours de ces objets se poursuit ainsi avec un nouveau possesseur, le quatrième depuis leur découverte...

L'ambition de Lacourt est de les remettre à sa hiérarchie. Ce sera l'objet du prochain chapitre et du prochain post...

A bientôt 

Olivier.