dimanche 19 mai 2019



Quand le commandant Saudal devient fou... 




Dans ce nouveau post, nous retrouvons Saudal, cantonné en Macédoine grecque, fin octobre 1916, quelques mois après la mort de Pierre Lacourt. Déjà très "border-line" de nature, vous découvrirez comment il devient carrément odieux et irascible lorsqu'il s'aperçoit que ses icônes et leur coffret ont disparus...
Transport de munitions germano-bulgare sur le front macédonien en octobre 1916
(Wikimedia Commons - Der Weltkrieg im Bild)

Ce dix-neuvième chapitre effectue un bond en avant de huit mois dans le temps. Il est d'abord introduit par un résumé des événements intervenus sur le Front d'Orient de mars à octobre 1916. A savoir, essentiellement un élargissement du front en Macédoine avec diverses actions localisées, comme la prise du fort du Rupel par les Bulgares, à l'est, qui contrôle la route entre Serres et Salonique, tandis qu'à l'ouest, ils reprenaient Florina et marchaient sur Ostrovo. Ils contrôlaient ainsi la Macédoine orientale et une bonne partie de la Macédoine occidentale. Les Alliés, de leur côté, avaient enchaîné les manœuvres défensives du côté de Dojran, de la Strouma, du Vardar et d'Ostrovo afin de prévenir ou contenir ces actions bulgares. Les Serbes avaient même réussi à s'emparer du Kaymakchalan, le plus haut sommet de la chaîne de la Mogla, qui domine la plaine de Salonique. Le front s'était donc de nouveau stabilisé, bien que plus large qu'auparavant. Le prochain objectif des Alliés sera alors de prendre Monastir, l'actuelle Bitola, principale ville du sud de ce que l'on appelle désormais officiellement la Macédoine du Nord, et qui était à l'époque la Macédoine serbe.
Carte des opérations sur le Front de Salonique en 1916 (Wikimedia Commons - West Point)
Soldat français s'exerçant au tir avec un Chauchat modèle 1915
(Wikimedia Commons - Imperial War Museum)

Le récit se recentre alors sur le commandant Saudal qui devient ainsi, après la mort de Pierre Lacourt, le personnage principal de ce second tome. Nous le retrouvons dans les derniers jours d'octobre, dans le camp où stationne son régiment dans la vallée du Vardar. Ce jour-là, il est occupé une bonne partie de la journée à superviser la formation de ses hommes au maniement du fusil-mitrailleur. Une arme qui venait de faire son apparition sur le Front d'Orient après quelques mois d'usage en France. On le surnomme le "Chauchat", du nom de l'officier qui l'avait conçu.

En fin de journée, il rentre dans son cantonnement préparer un rapport. Dans sa tente, il se rend compte qu'il lui manque des affaires. Son nécessaire à rasage et surtout une sacoche ont disparu. C'est la disparition de ce second effet qui le prend de stupeur, puis de panique et de colère. Et pour cause, cette sacoche contenait le coffret aux icônes ! Ses si chères icônes, titre d'ailleurs de ce chapitre, semblent avoir été dérobées par quelqu'un !  

En furie, il sort de sa tente et interroge avec véhémence le premier homme qu'il croise, en l'occurrence un adjudant de son bataillon. Celui-ci, qui a participé comme beaucoup de monde à l'instruction théorique sur le fusil-mitrailleur et qui était donc absent, n'a vu entrer personne dans la tente, ni en sortir, ni même y roder autour. L'adjudant lui suggère de se faire fournir une nouvelle mallette de rasage et une autre sacoche, ce qui lui vaut la désobligeance de Saudal. Ce dernier se tourne alors vers trois hommes du rang qui passent par là, dont Chauvet (mon arrière grand père que je fais revivre une seconde et dernière fois dans ce roman). Il leur pose les mêmes questions et obtient les mêmes réponses... Occupés à l'instruction, ils n'ont rien vu et semblent se demander pourquoi il fait toute une histoire de cette disparition qui leur parait anodine. Saudal pète alors les plombs et empoigne par le col l'un des hommes et lui exprime toute la colère et le désespoir que suscite chez lui la perte des ses objets. Sa fureur est à la hauteur de la dépendance qu'il éprouve envers ses icônes. Elle surgit au grand jour devant ces hommes qui restent incrédules. Ils finissent par s'interposer et saisissent Saudal pour qu'il relâche le malheureux sur le point d'être étranglé. 
Patrouille française sur le Vardar en septembre 1916,
photographie tirée du Miroir paru le 1er octobre 1916
(Wikimedia Commons - Le Miroir)

Un capitaine du bataillon vient les séparer et demande des explications. Saudal lui expose la situation et le capitaine tente de l'aider en lui posant quelques questions. Il veut savoir si cette sacoche contenait quelque chose d'important, comme des documents secrets afin de savoir si ce vol était l'oeuvre d'un espion ou d'un vulgaire maraudeur. Sans ménagement, Saudal lui rétorque que ce que contient cette sacoche ne regarde que lui. Il lui concède néanmoins que ce butin intéressera davantage un voleur qu'un espion. La conversation se poursuit et le capitaine lui apprend que plus tôt dans la journée des réfugiés macédoniens sont passés près du camp, suivis ensuite d'un convoi de Romanichels. Saudal y voit immédiatement les coupables de ce larcin. Pour lui, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, ce sont ces Roms qui ont fait le coup. Très vite, il fait réquisitionner un camion dans le camp pour se lancer à leur poursuite. Accompagné du capitaine, d'un chauffeur et de deux hommes en armes, ainsi que d'un lieutenant serbe pour lui servir d'interprète, Saudal se retrouve dans le véhicule qui emprunte la piste, rendue boueuse par les pluies d'automne, le long du Vardar, menant vers le sud-est et Salonique.

Au bout de deux heures, ils parviennent à rattraper la cohorte de réfugiés qui a fait halte, en vue de la tombée de la nuit. Ils les dépassent puis continuent leur route avant de finir par rejoindre rapidement le convoi de Tziganes. Le camion dépasse tous les chariots avant de venir se garer en travers de la route afin de leur barrer le passage. Les Français en sortent précipitemment ainsi que l'officer serbe. 

Un homme d'une quarantaine d'années, qui n'est autre que le chef de ce clan, descend du premier chariot  et vient à leur rencontre. Il échange avec l'interprète longuement afin de comprendre ce qu'ils veulent. Le Serbe lui explique le vol et il finit par lui répondre qu'ils ne sont pour rien dans cette disparition d'objets. Saudal ne l'entend bien sûr pas de cette oreille et entreprend de faire fouiller chacune des roulottes du convoi. Le chef tente de s'interposer et proteste mais Saudal donne l'ordre de l'abattre s'il continue à faire des difficultés !

Chacun est surpris par un tel ordre, mais personne n'ose s'y opposer. Les investigations commencent alors dans le convoi, et les uns après les autres, les chariots se retrouvent fouillés sans ménagement. L'entreprise, longue et fastidieuse, s'avère infructueuse. La rage de Saudal ne fait que se décupler et il persiste à les croire coupables. Il sort alors son revolver et le braque sur la tempe d'un jeune garçon qui se trouve à proximité de lui ! 
La vallée du Vardar en aval de Demir Kapija, en mai 2012
(Wikimedia Commons - Prince Roy)

Il s'agit de l'un des fils du chef. Le gamin est terrifié et sa mère crie de panique. Son père, lui, s'inquiète auprès de l'interprète. Il lui demande pitié pour son fils et jure qu'il ne peut pas lui rendre ces objets, qu'ils ne possèdent pas. Le capitaine, appuyé par le lieutenant serbe, tente alors de le raisonner. Petit à petit, Saudal commence à les entendre et le capitaine argumente sur le fait qu'un tel acte déshonorerait l'armée française, entacherait la réputation du régiment et compromettrait sa carrière. Saudal finit par admettre que tout cela n'en vaut pas la peine et rengaine son arme. Il donne l'ordre à ses hommes de rentrer au camp tandis que l'enfant part se réfugier dans les bras de sa mère. Les Tziganes regardent partir le camion avec mépris et incrédulité, et aussi avec beaucoup de soulagement... 

Sur la route du retour, de nuit et sous la pluie, le camion est plongé dans le silence. Saudal se terre dans son dépit tandis que les deux autres officiers, encore stupéfaits par son attitude, n'osent plus lui adresser la parole.

Plus tard, une fois arrivé au cantonnement, le commandant Saudal se rend au mess pour y dîner. Il est tard mais les autres officiers du régiment y sont encore. Saudal reste silencieux durant tout le repas et ne prend la parole qu'à la fin. Il s'est rendu compte de l'absence du commandant Alliot, avec qui il partage sa tente. Il ne l'a plus vu depuis le début de matinée et demande de ses nouvelles. On lui apprend qu'il est tombé malade, pris d'une nouvelle crise de paludisme qui semble très sérieuse. Il a été emmené par les services de santé au dépôt n°2, que l'on surnomme le "dépôt des éclopés n°2" à quelques kilomètres de là, pour y être soigné. Saudal comprend alors qu'il tient là l'explication de la dispersion de son nécessaire à rasage et de sa sacoche. Si celles d'Alliot sont encore dans la tente et plus les siennes, c'est qu'elles ont été confondues par le personnel de santé !

Le lendemain matin, il se rend au dépôt n°2 et vient au chevet du commandant Alliot. Après quoi, il échange la sacoche et la mallette d'Alliot avec les siennes. Il prend alors la peine de vérifier dans sa sacoche et découvre que le coffret aux icônes y est toujours, bien enveloppé dans son chèche...

Il s'était mis dans tous ses états pour rien. Cette méprise anodine des infirmiers lui permet de mesurer à quel point il était devenu addict à ces objets. Il leur appartenait bien plus qu'ils ne lui appartenaient...

A bientôt.

Olivier.

          

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