vendredi 1 juin 2018



Salonique sous les bombes : vivez l'un des premiers raids aériens de l'Histoire au côté du commandant Saudal ! 




Lors du seizième chapitre, nous retrouvons Saudal en Grèce, en janvier 1916, qui va être le témoin d'un bombardement nocturne de Salonique par un dirigeable allemand. L'une des premières attaques aériennes de ce type dans l'histoire militaire mondiale. Ce post vous fera vivre, au côté de notre officier, cet épisode méconnu de la Grande Guerre. Désormais le danger pouvait venir aussi du ciel... L'événement marqua les Poilus d'Orient qui furent nombreux à le rapporter dans leur carnet de guerre, dont mon arrière grand-père, Ulysse Chauvet, que je fais intervenir à la fin de ce chapitre dont le titre a des accents X-filiens : "Une menace ovale venue du ciel" 

Ce nouveau chapitre permet de retrouver Saudal, après plusieurs chapitres consécutifs consacrés au parcours de Pierre Lacourt ou à celui de sa fiancée Madeleine. On recroise l'officier en janvier 1916, alors qu'il vient d'être promu commandant et qu'il a quitté les zouaves pour rejoindre un régiment d'infanterie plus traditionnel. Ce dernier occupe des positions au nord-ouest de Salonique, près des rives du Vardar. 

Le Vardar près d'Axiopouli, en amont de Gefyra (Topsin) - (Wikimedia Commons - Pyraechmes)

A la fin du mois, le bataillon dont Saudal a la responsabilité campe à Topsin, un hameau près du fleuve, à une grosse vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Salonique. De nos jours, il s'agit d'un bourg qui s'appelle Gefyra. Il y est posté depuis une semaine lorsque dans la journée du 31 janvier, le colonel du régiment demande à Saudal de l'accompagner à Zeitenlick, le QG allié situé dans la périphérie de Salonique. Il doit y présenter un rapport à l'état-major et souhaite que Saudal se joigne à lui afin de mieux le connaître. Ce déplacement était une bonne occasion de partager du temps avec lui, l'arrivée de Saudal dans le régiment étant encore toute récente.

Ils arrivent au camp de Zeitenlick en fin de matinée et y restent une bonne partie de la journée. Enfin d'après-midi, plutôt que de rentrer directement à Topsin, ils décident de passer la soirée à Salonique de manière à profiter un peu de l'animation de la cité. Ils dînent ainsi dans une taverne en compagnie d'autres officiers français ou britanniques.

Les deux hommes n'en partent qu'après une heure et demi du matin et parcourent à pieds les ruelles de la vieille cité plongées dans l'obscurité de cette nuit sans lune et recouverte en partie par des nuages. Ils marchent en direction des murs ouest de la ville, afin d'y retrouver leur chauffeur qui les y attend. 

Chemin faisant, ils entendent un bruit étrange, comme un léger bourdonnement, aussitôt suivi, au loin, d'explosions. Levant la tête au ciel, ils discernent alors en altitude une forme ovale, allongée et sombre qui survole la ville. Ils comprennent rapidement qu'il s'agit d'une nouvelle attaque de zeppelin allemand, Salonique ayant déjà subi un premier raid quelques semaines auparavant. Cette première attaque, survenue le 7 janvier, avait été anecdotique, mais celle qui se déroule sous leurs yeux semble beaucoup plus sérieuse.
Photographie du Zeppelin L19 / LZ54, un modèle assez proche du LZ85 / LZ55 
qui bombarda Salonique cette nuit-là (Wikimedia Commons - Zeppelin & Garrisson Museum)

En dirigeant leur regard vers la zone portuaire, les deux officiers aperçoivent des lueurs qui leur font comprendre que des navires ou des entrepôts ont été bombardés et que des incendies se sont déclarés. Les explosions sont nombreuses, une dizaine se sont faites entendre.

Ils décident de se rapprocher du secteur pour aller voir de plus près ce qu'il en est. Ils s'aperçoivent que le dirigeable, qui était arrivé par le sud, du côté de la mer, prend la direction du nord-ouest. Ils comprennent alors qu'il se dirige vers le camp de Zeitenlick afin d'aller l'attaquer à son tour. 
Photos extraites de l'article paru dans "Le Miroir" du 20 février 1916 traitant de cet évènement (forum.pages14-18.com)

Une fois parvenus dans le secteur de la ville le plus touché, les deux officiers découvrent l'agitation qui y règne. De nombreux habitants étaient aux fenêtres, en train d'observer ce qui se passait, inquiets. Certains courraient se mettre à l'abri tandis que d'autres étaient occupés à intervenir sur les incendies qui s'étaient déclarés en différents endroits. En dehors des cibles militaires, beaucoup d'édifices ou bâtiments civils avaient été touchés. 
Artilleurs français autour d'un canon antiaérien de 75,
à Salonique en 1917 - (Wikimedia Commons - Rcbutcher)

Les alliés ont tenté de riposter mais le zeppelin volant à près de 3 000 mètres s'était avéré hors de portée, quant à l'aviation, inopérante de nuit, elle n'avait été d'aucune utilité. Le dirigeable a donc pu poursuivre son raid sans dommage et quitter la zone des opérations sans être inquiété. Ce même zeppelin sera abattu quelques mois plus tard, lors d'un nouveau raid à Salonique, le 5 mai, et terminera sa course en flammes dans le delta du Vardar.

Avant de quitter Salonique, Saudal et son supérieur se rendent du côté de la sous-préfecture qui a été très touchée. Ils y apprennent un peu plus tard que des entrepôts de vivres ont été frappés, ainsi qu'un bâtiment de la Banque de Salonique et de nombreux biens civils privés. Au moment du bilan, on dénombrera une quarantaine de victimes parmi les décombres.

Le lendemain matin, à Topsin, le colonel du régiment informe ses hommes de cette attaque dont il a été témoin. Celle-ci marque les esprits et est relayée dans un grand nombre de carnets de guerre. Parmi les Poilus d'Orient qui annotèrent cette anecdote, figure mon arrière grand-père maternel, Ulysse Chauvet.

Je rend hommage à ce dernier en le faisant intervenir dans la scène qui clôture ce chapitre. Celle-ci se passe le 7 février, alors que mon aïeul est de garde ce jour-là, comme il le confie dans son carnet. Il est occupé à faire le planton, dans le froid, devant un baraquement d'officier. Je m'arrange évidemment dans ma fiction pour que ce soit devant le poste qui est occupé par le commandant Saudal... Celui-ci effectue une pause, à l'extérieur du baraquement, afin de prendre l'air et de fumer une cigarette. Il entreprend alors de discuter avec le garde. Saudal lui demande si tout va bien et s'intéresse vaguement à lui afin d'engager une conversation de manière à meubler un peu son temps de pause.

Remarquant son accent du Midi, il demande à mon aïeul s'il est provençal, lequel lui répond qu'il est effectivement originaire de la Drôme Provençale. Puis Saudal relève qu'il s'appelle Ulysse et qu'ils sont en Grèce, alors pour le charrier un peu, il lui demande si son épouse ne s'appelle pas Pénélope et son fils Télémaque... Il lui répond que sa femme se nomme Marie et que son fils, mon propre grand-père, s'appelle Urbain. Ce dernier est alors âgé de 3 ans à peine... Saudal lui promet alors, bien qu'il n'ait pas de certitudes sur la fin de la guerre, qu'il retrouverait bientôt sa famille et sa région. 

Ce post se termine sur cette scène qui m'aura permis de faire revivre cet aïeul que je n'ai jamais connu (il est décédé en 1940), mais qui fait partie de mon enfance, comme une figure marquante de l'histoire de la famille. Enfant, je voyais en lui quelque chose de mythique, cet aïeul qui s'appelait Ulysse et qui avait combattu en Grèce, c'était de l'ordre de la mythologie... 

C'est à mon grand-père, Urbain, que je dois en grande partie mon goût pour l'Histoire et il m'avait notamment parlé de son père. En faisant intervenir mon arrière grand-père dans ce passage - le seul moment où je fais entrer mon histoire familiale dans la saga - c'est donc aussi un clin d’œil à mon grand-père que je fais, je lui dois beaucoup. Lui-même nous ayant quitté il y a vingt-cinq ans déjà.

Bon été et à bientôt.

Olivier.       

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