dimanche 22 décembre 2013

Anthémios joue les infirmiers au monastère et découvre le pouvoir des plantes médicinales !


Pour ce dernier billet de l'année 2013, nous retrouvons Anthémios et Georges le surlendemain de la procession de Pâques décrite dans le post et le chapitre précédents. Ils sont amenés à porter assistance à un pèlerin de passage atteint de la malaria, l'occasion pour Anthémios de découvrir davantage le métier de Staurakios, l'herboriste du monastère...


Au début du dixième chapitre, Anthémios raconte que deux jours après la procession, au matin, Georges et lui faisaient chemin pour une nouvelle retraite dans la nature, lorsqu'ils furent sollicités près de l'auberge par Serge, le moine hôtelier. Ce dernier, affolé, leur explique qu'un voyageur de passage y souffre de fortes fièvres. Georges fait immédiatement venir Staurakios l'herboriste afin qu'il ausculte au plus vite le malade. Malgré un examen attentif, le diagnostic est difficile car le malade n'est pas en état de répondre aux questions et son accompagnant est muet. Staurakios réussit néanmoins à avancer en interrogeant Serge sur les symptômes que lui a décrit auparavant le malade puis sur l'itinéraire que ces voyageurs ont emprunté.  Serge lui apprend qu'ils sont originaires de Thrace et qu'ils reviennent de Myre, où ils sont allés se recueillir auprès du tombeau de Saint Nicolas
Icône de Saint Nicolas,
Monastère de Sainte Catherine du Sinaï,
première moitié du XIIIème siècle
(Wikimedia Commons)

Ce saint était si réputé que l'on se déplaçait souvent de très loin pour venir honorer ses reliques et espérer un miracle (comme retrouver la parole pour ce muet par exemple...). Elles faisaient ainsi l'objet de l'un des pèlerinages, même si ce mot est encore anachronique pour cette époque, les plus populaires de tout l'Empire. Saint Nicolas était, au IVème siècle, l'évêque de Myre, une cité située en Lycie, sur la côte méditerranéenne, dans le sud-ouest de l'actuelle Turquie. Nicolas était si réputé pour sa charité qu'il fut sanctifié à sa mort, le 6 décembre 345. C'est pourquoi on fête encore de nos jours la Saint Nicolas le 6 décembre... La légende hagiographique le concernant précise qu'il sauva des mains du bourreau trois officiers injustement emprisonnés sous l'empereur Constantin. Mais les représentations iconographiques byzantines minimisant la taille des soldats par rapport à celle du saint font que les chrétiens d'Occident, bien plus tard, furent induits en erreur et prirent ces soldats pour des enfants... c'est ce qui explique que depuis le moyen-âge, et de nos jours encore, ce saint est associé à l'enfance...
Tombeau original de Saint Nicolas dans la basilique de Myre
(Wikimedia Commons - Sjoehest)

Les ossements de Saint Nicolas restèrent dans le tombeau de Myre jusqu'à la fin du XIème siècle, mais en 1087 des marins originaires de Bari, en Italie, les dérobèrent et les ramenèrent dans leur cité d'origine. La réputation miraculeuse de ces reliques qui suinteraient, selon la légende, une huile sacrée, a semble-t-il attiré ces voleurs. En tout cas ce forfait vieux de neuf siècles fait que saint Nicolas est toujours le saint patron de la ville de Bari et ses reliques reposent dans la basilique qui y a été édifiée en leur honneur. C'est depuis cette translation à Bari que la réputation de saint Nicolas a vraiment essaimé à travers toute l'Europe occidentale et que celui-ci est ensuite devenu au fil du temps le saint de tous les enfants, sous le nom de Santa Claus ou du Père Noël... on est loin de la Laponie et des rennes dans la neige...  

Serge donne ensuite à Staurakios des détails sur l'itinéraire retour des deux pèlerins thraces. Il lui apprend ainsi qu'ils furent amenés à traverser l'ensemble des régions qui jalonnent la côte ouest de l'Anatolie. En insistant, Staurakios réussit à obtenir une information supplémentaire et capitale : le moine hôtelier lui apprend que les deux hommes ont séjourné dans une cité de Carie nommée Kaunos.
Mosaïque à proximité de la basilique byzantine de Kaunos
(Wikimedia Commons - Kjf Webmaster)
Or, celle-ci est connue pour être particulièrement malsaine, infestée de moustiques puisque construite à proximité d'une lagune. Cette bourgade vit alors d'ailleurs essentiellement de la production de sel et de salaisons. Le site naturel n'en demeure pas moins superbe comme vous le montre cette photo panoramique ci-dessous.

Vue panoramique du site et du port de Kaunos (Wikimedia Commons - Jörg Hempel)
Anopheles Albimanus sur un bras humain,
l'une des espèces de moustique véhiculant le paludisme
(Wikimedia Commons - CDC)
Depuis l'Antiquité, les habitants de cette ville sont réputés pour être constamment fiévreux et malades à tel point que cela est vite devenu un sujet de plaisanterie. Staurakios comprend très vite que ce pèlerin y a contracté le paludisme, qu'il désigne sous le terme de "fièvre des marais"...   A cette époque, on ne connaît bien sûr pas encore les causes de cette maladie, mais on sait qu'elle est liée aux zones marécageuses et on suspecte que l'air n'y est pas sain (d'ailleurs, le terme de "malaria" vient de l'italien "mauvais air"), mais sans incriminer forcément les moustiques... Le malade est conduit à l'infirmerie du monastère. Staurakios se rend alors dans l'herboristerie située dans la pièce voisine pour y préparer une décoction d'écorce de saule blanc (Salix Alba) afin de lutter contre la fièvre. 
Saule Blanc (Wikimedia Commons - Willow)

L'écorce de saule blanc était déjà connue depuis l'Antiquité pour combattre efficacement la fièvre, Hippocrate (460-377 av. J.C.) la prescrivait déjà. Celle-ci a donc des vertus fébribuges réputées depuis la nuit des temps, mais elle a aussi des qualités antalgiques, anti-inflammatoires ou antiseptiques notamment, à tel point qu'elle fut étudiée de près au XIXème siècle et qu'on en découvrit alors la substance active : l'acide salicylique, dont la synthèse chimique est plus connue sous le nom d'aspirine...
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Staurakios en tant qu'herboriste connaît parfaitement bien les vertus et bienfaits d'innombrables plantes et se base avant tout sur les travaux de Dioscoride, ce médecin et botaniste grec du Ier siècle après JC, originaire de Cilicie et auteur, entre autres, de nombreux traités sur ce que l'on appellerait aujourd'hui la phytothérapie. 
Fresque murale du XIIème siècle représentant 
Galien et Hippocrate,
Cathédrale Sainte Marie d'Anagni, Italie
(Wikimedia Commons - Nina Aldin Thune )



Aux côtés de Hippocrate et de Dioscoride, on peut ajouter Galien parmi les principaux maîtres de la médecine grecque antique. Bien entendu, la médecine byzantine est l'héritière directe de cette tradition médicale. Elle l'a même améliorée et dépassée, au point que de nombreux traités furent traduits en Arabe ou en Latin, ce qui permit la diffusion de ce savoir aussi bien en Orient qu'en Occident durant tout le Moyen-âge.

Plantain, extrait du Dioscoride de Vienne 
(Wikimedia Commons - Österreichischen 
Nationalbibliothek) 
Anthémios, présent dans l'infirmerie, profite de l'occasion pour pénétrer dans l'herboristerie (Staurakios l'y invite d'ailleurs) et admirer son contenu : ses pots médicinaux, ses ustensiles et surtout les codex et manuscrits de pharmacopées richement enluminés, à l'image de ces illustrations ci-contre tirées d'un exemplaire, datant de 512, d'un codex médical grec présentant les travaux sur les plantes de Dioscoride et conservé à Vienne, en Autriche. 

D'où son surnom de "Dioscoride de Vienne". Vous y reconnaîtrez des ronces, du plantain mais aussi du cannabis dont les vertus déstressantes n'étaient visiblement pas inconnues à cette époque déjà...
Ronce, extrait du Dioscoride de Vienne 
(Wikimedia Commons - Österreichischen 
Nationalbibliothek) 
Plant de cannabis, extrait du Dioscoride de Vienne 
(Wikimedia Commons - Österreichischen 
Nationalbibliothek) 

Staurakios a à peine le temps de terminer la décoction et de l'administrer au patient qu'il est déjà sollicité par Méthode, le portier. Pour une histoire d'empoisonnement cette fois... mais c'est une toute autre histoire qui fera probablement l'objet d'un futur post...

A bientôt et excellentes fêtes de fin d'année !!

Olivier.                   

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