vendredi 17 mai 2013


Frère Georges vous fait découvrir les origines du monachisme et vous entraîne dans une ascension spirituelle !


Après un break de deux mois, le blog reprend son cours pour en arriver au septième chapitre intitulé "Une même montagne à gravir", lequel amorce une phase plus initiatique dans le roman. Assis dans le jardin de contemplation, Frère Georges et Anthémios y reprennent la discussion qu'ils avaient interrompue à la fin du chapitre précédent. Le maître entend tout d'abord présenter à son disciple les origines du monachisme, puis au fil de la conversation il en viendra à lui parler de manière plus générale de la démarche mystique et de son universalité.. Anthémios entrevoit alors toute la culture, la sagesse et l'anticonformisme de son maître...



"Saint Antoine le Grand rencontre Saint Paul de Thèbes",
Velasquez, Musée du Prado, Madrid,
1635-1638, huile sur toile (Wikipedia Commons)
Frère Georges rappelle à Anthémios que c'est 500 ans plus tôt, au IVème siècle, en Egypte, avec les premiers ermites précurseurs, Paul de Thèbes et Antoine de Pispir (dit Antoine le Grand), que s'est développé l'idée d'observer scrupuleusement les préceptes évangéliques en fuyant le monde pour mener une vie de renoncement et de prière.

Il lui parle également d'autres Pères du Désert ayant suivi ces premiers exemples comme Saint Amoun et Saint Macaire, en Egypte, et évoque d'autres anachorètes en Palestine ou au Sinaï. 
Saint Macaire et un Chérubin,
icône du XIXème siècle
(Wikipedia Commons)

Il insiste sur l'importance de ces Pères du Désert, auteurs des apophtègmes, ces textes de référence de la tradition monastique. Il précise toutefois que le premier ermite à avoir formé véritablement une communauté monastique (le cénobitisme par opposition au simple érémitisme) est Pacôme, dans le désert de Thébaïde, et qu'il est le premier à avoir instauré des règles écrites que ses moines (les cénobites) doivent appliquer dans le cadre de leur laure (monastère). 


Saint Basile de Césarée,
mosaïque du XIème siècle
(Wikipedia Commons)
Cette première expérience de vie communautaire en inspirera beaucoup d'autres, notamment celle de Saint Basile, originaire de Césarée (aujourd'hui Kayseri en Turquie) en Cappadoce, à la fin du IVème siècle. Le monastère que vient de rejoindre Anthémios se plie au règlement de Saint-Basile qui se décompose en une centaine de grandes et petites règles.   
Vestiges de la colonne
de St Siméon le Stylite,
Qalaat Samaan, Syrie 
(Wikipedia Commons - Bo-Deh)

Georges explique aussi que dans ces premiers temps de l'érémitisme et du monachisme (IVème et Vème siècles), la vie anachorétique a connu également des expériences originales, extrêmes ou insolites, en Syrie ou en Palestine. Il évoque ainsi les dendrites, des ermites qui vivaient isolés dans des arbres creux, les moines brouteurs, qui survivaient dans la steppe en se nourrissant de racines ou d'herbes, et les stylites, qui s'installaient sur des plateformes fixées au sommet de colonnes et qui y passaient des dizaines d'années. Georges prend l'exemple de Saint Siméon, le plus connu des stylites qui passa une quarantaine d'années en haut d'une colonne en Syrie.   
Daniel le Stylite, Ménologion de Basile II, XIème siècle (Wikipedia Commons)

Anthémios est complètement époustouflé par ces expériences qui lui paraissent surhumaines. Son maître lui explique que c'est par la force de l'esprit et le renoncement que l'homme de foi peut trouver en lui les moyens de surpasser toutes les souffrances et privations, de se transcender et de ressentir ou découvrir le divin en soi.

Georges lui explique que cette quête ascétique n'est pas exclusivement chrétienne et qu'elle est universelle. Il le fait en prenant l'exemple, en Inde, des moines sadhûs (un mouvement connu depuis l'Antiquité puisque Alexandre le Grand les désignait sous le terme de "gymnosophes", littéralement "les sages nus") qui vivent dans le renoncement le plus total, déambulant nus, vivent de dons, méditent et recherchent l'absolu.
Deux Sadhû, à Katmandou en 2006, près du Temple sadhû de Pashupatinath (Wikipedia Commons - Luca Galuzzi)
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Il prend également comme exemple un courant, encore nouveau à cette époque, dans l'Islam : le Soufisme.  Les Soufis sont des ascètes qui cultivent un idéal de non attachement aux choses de ce monde et de combat contre leur propre ego. 

A travers ces exemples, Georges fait comprendre à Anthémios les similitudes qui existent dans la quête de l'absolu entre les différentes religions et les cultures.

Anthémios est époustouflé par le savoir de son maître et reconnait l'aspect universel de cette démarche mystique. Mais il est surpris car il trouve très audacieux pour un religieux de faire ces comparaisons, il n'est pas loin du blasphème. Georges acquiesce mais assume totalement ses idées et va plus loin en employant une image pour clarifier ce qu'il pense : celle d'une montagne dont le sommet représenterait l'idéal de la perfection divine à atteindre. La cime de la montagne est unique mais pour y accéder les versants et les sentiers sont multiples. Cette diversité des voies d'accès illustre la multiplicités des religions, des fois et des croyances chez l'homme. Chacune de ces voies est valable puisqu'elles mènent toutes au sommet, mais le plus important n'est pas le point de départ. Ce qui compte c'est d'entreprendre l'ascension et de ne pas rester au pied de la montagne. Bref, d'entreprendre une démarche mystique menant vers l'absolu divin quelle que soit sa foi.

Par cette approche "relativiste" et cette image de la montagne transcendantale, symbole de verticalité, Georges peut donner l'impression d'être un peu un franc-maçon avant l'heure... 

Anthémios est assez perplexe mais reconnaît tout de même que la vision de son maître ne manque pas de sagesse malgré son côté transgressif.   

A la demande d'Anthémios, Georges en vient ensuite à lui donner plus d'information sur une pratique commune à toutes les formes mystiques : la répétition d'incantations. Il rappelle que ce principe du "mantra" se rencontre en Inde, chez les Soufis ou chez les moines chrétiens.  Il lui explique en particulier que chez les Soufis, c'est essentiellement le nom de Dieu lui même qui est répété (Allah) ou la Chaâda (la profession de foi des musulmans). Cette répétition est censée maintenir le mystique vers l'essentiel et faire qu'il ne dévie jamais. Georges lui explique que cette phrase a pour équivalent dans le monachisme chrétien "La prière de Jésus", une prière synthétique et concise que Anthémios devra répéter souvent dans sa vie de moine.
Impératrice Irène,
fresque du Xème siècle,
Pala d'Oro, Venise 
(Wikipedia Commons)

Le jeune postulant s'étonne du savoir de son maître sur les Indes et l'Islam, il en profite pour lui demander comment il a pu se retrouver en possession du Coran qui est actuellement en cours de traduction au scriptorium du monastère. Georges lui explique qu'il a beaucoup appris par les livres et qu'il a peu voyagé. Et qu'en ce qui concerne ce qu'il sait du Soufisme et le fait de posséder ce Coran, il le doit à un seul et même rencontre. Lorsqu'il était moine au Stoudios, le principal monastère de Constantinople, Georges rencontra à la cour de l'impératrice Irène (752-803) un diplomate arabe, lui même soufi, qui devint son ami, lui expliqua son parcours mystique et lui fit cadeau un jour de ce coran. 

Originaire de Bassora, dans le sud de la Mésopotamie, dans l'actuel Irak, son ami est devenu soufi au contact d'une mystique célèbre de cette ville : Rabia El Adawiyya (714-801).
Miniature persane représentant Rabia El-Adawiyya (Wikipedia Commons)


Georges lui cite avec émotion quelques vers d'un poème composée par cette mystique sur le thème de l'amour du Divin et que son ami lui avait rapporté.

Il termine la conversation en expliquant qu'il n'a plus jamais revu son ami depuis son départ du Stoudios et que ce coran lui fut offert lors de leur dernière rencontre. Depuis, il s'était juré de le faire traduire pour en connaître tous les détails.

Ce chapitre clôture la première journée que Anthémios passe dans le monastère, mais il ouvre également la phase la plus initiatique du roman qui se poursuivra dans le chapitre suivant et le prochain post... à suivre...

A bientôt.

Olivier        


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