samedi 19 janvier 2013


Frère Georges vous fait faire le tour du monastère, suivez le guide !

Pour ce premier post de l'année 2013, nous retrouvons Anthémios lors de sa découverte du monastère et de ses occupants. C'est son maître, frère Georges de Bithynion, qui mène la visite et les présentations... Suivons les !

Dans le cinquième chapitre, Anthémios, qui vient d'être accepté au monastère en tant que postulant, et qui vient de rencontrer frère Georges, son maître, effectue la visite du monastère et rencontre ses occupants. C'est évidemment Georges qui lui fait faire le tour de l'établissement et le titre de ce chapitre et on ne peut plus explicite : "A la découverte d'un monastère et de sa communauté".

Lorsque Georges et Anthémios sortent de la salle d'audience, ils se dirigent tout d'abord vers le nord de la cour où se trouvent les chambres et le dortoir. Lors de ce bref parcours, Anthémios a un aperçu de l'aspect de l'église du monastère et de l'intérieur de la cour. L'église est conçue selon un modèle ancien, celui des basiliques romaines (voir plan type de gauche ci-dessous). Il ne suit pas celui plus répandu et plus moderne que l'on appelle aujourd'hui "en croix grecque" (et a fortiori sa variante plus élaborée, dite "en croix grecque inscrite", voir plan type de droite ci-dessous), et qui fut popularisé et adopté à partir de la conception, dans les années 530, de la basilique Sainte Sophie de Constantinople par Isidore de Milet et un certain Anthémios de Tralles à qui notre héros doit son prénom...  
Plan de Saint-Paul-hors-les-murs à Rome
(Wikimedia Commons - Dehio Bezold, Fb78) 
Plan type d'une église en croix grecque inscrite
(Wikimedia Commons - Calame)


La construction de l'église du monastère et la fondation de celui-ci sont antérieures d'une dizaine d'années à cette innovation architecturale. L'édifice, avec son plan basilical, paraît ainsi un peu archaïque aux yeux d'Anthémios.

Cette église, dans le roman, est souvent désigné sous le terme de "catholicon". Terme qui s'emploie pour évoquer l'église principale d'un monastère orthodoxe, or c'est un peu un abus de langage de ma part, car celui que rejoint Anthémios ne compte qu'une seule église (si l'on fait abstraction de la chapelle réservée aux voyageurs à l'extérieur du monastère). Si c'est la seule, par conséquent, c'est donc la principale... Enfin, ce terme est par ailleurs un peu anachronique, car s'il est utilisé dans les monastères orthodoxes, il ne l'était pas forcément à l'époque byzantine. Le terme de "naos", ou tout simplement d'église, conviendrait mieux, mais j'ai préféré garder le terme de "catholicon" pour sa sonorité et son côté plus solennel... voilà pour ma tambouille d'écrivain... et j'espère que les puristes qui liront ce post et/ou mon roman me pardonneront ;) 

Le fait qu'il n'y ait qu'une seule église dans ce monastère est d'ailleurs une particularité. Car en théorie, selon le culte, les offices de la journée ne doivent pas être effectués sur un même autel et c'est pourquoi les monastères comptent fréquemment plusieurs chapelles en plus de l'église principale... mais fréquemment ne veut pas dire systématiquement... et pour mon monastère, qui est totalement fictif (Il n'y a jamais eu de monastère dans ce secteur, en tout cas pas après le Xème siècle, y en a-t-il eu auparavant et notamment à l'époque de mon roman ? visiblement pas, d'après les sources que j'ai pu exploiter), je voulais prévoir des singularités ou des traditions propres à cet établissement, afin de le crédibiliser davantage, plutôt que de le calquer sur un modèle trop "standard", ce qui m'aurait paru un peu artificiel. Ai-je bien fait ? à vous de me le dire chers lecteurs...  
Site du monastère de Martyrios aujourd'hui (Wikimedia Commons - Gilabrand)

Pour ce qui est de la conception générale du monastère (bâtiment formant un carré fermé avec l'église principale au centre de la cour), je me suis inspiré d'un établissement construit à la fin du Vème siècle, soit une quarantaine d'années avant la fondation de mon propre monastère : le monastère de Martyrios, à l'est de Jérusalem, situé aujourd'hui en Israël et qui était alors le monastère le plus important du désert de Judée avant qu'il ne soit abandonné et démoli après l'invasion musulmane au milieu du VIIème siècle. Son site a été découvert dans les années 80 lors de l'implantation et l'extension d'une colonie et il est depuis ouvert à la visite. Mon monastère s'en inspire dans les grandes lignes, mais il s'en différencie aussi à travers plusieurs détails : moins grand, pas de chapelles annexes, le portail d'entrée se situe du côté ouest de la cour et non pas à l'est comme c'est le cas pour le Martyrios, etc...

Après avoir découvert sa cellule et y avoir déposé ses affaires, Anthémios visite le dortoir. Georges l'emmène ensuite du côté est de l'enceinte où il va lui présenter respectivement plusieurs moines sur leur lieu de travail :
-Frère Hippolyte, l'économe, à la trésorerie,
-Frère Makarios, le bibliothécaire, assisté de frère Bélisaire à la bibliothèque,
Enluminures d'un mansucrit hagiographique byzantin
du XIème siècle (daté de 1020)
(Wikimedia Commons - Bibliothèque Nationale de France) 
-Frère Photios, l'enlumineur et son assistant frère Valentin, puis frère Basile, le copiste et ses deux traducteurs frères Valens et Avitus au scriptorium,

Lors de son passage au sciptorium, il découvre avec étonnement qu'Avitus travaille sur la traduction d'un coran. Et il est encore plus étonné d'apprendre que ce dernier appartenait à l'origine à frère Georges. Continuant leur visite, Georges conduit ensuite Anthémios dans l'atelier d'iconographie où il lui présente frère Manuel le peintre, et son assistant Alexis. La visite de l'aile est se termine ensuite par l'atelier d'ivoirerie, où oeuvre frère Narsès. 
Panneau d'ivoire représentant le Christ couronnant Romain II et Eudoxie.
Constantinople, milieu du 
Xème siècle. 
(Wikimedia Commons - Bibliothèque Nationale de France / Clio20) 

L'art ivoirier byzantin a connu son apogée du Vème au VIIème siècle. Mais à l'époque du roman, c'est devenu un art en déclin. Narsès n'a d'ailleurs pas de novice ou d'assistant, personne ne lui succédera à sa disparition... Ce déclin s'explique pour deux raisons : d'une part, la première période iconoclaste, au VIIIème siècle, a beaucoup nui à cet art, et d'autre part, la matière première est beaucoup plus rare et difficile à faire venir (et donc plus onéreuse) depuis que les débouchés du négoce de l'ivoire sont sous contrôle arabe (Le nord de l'Afrique - notamment l'Egypte - a été conquis par les Arabes au milieu du VIIème siècle au détriment des Byzantins). 
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C'est ensuite la partie sud qui est abordée lors de la visite. Anthémios y rencontre frère Staurakios, l'herboriste, à l'infirmerie. Il découvre ensuite "les sanitaires" (balnea et latrines) avant de visiter les cuisines où Georges lui présente frère Pétros, le cuisinier. Vient ensuite la visite du réfectoire et de l'entrepôt et cave où sont stockés les vivres. 

La partie ouest est rapidement visitée : elle ne contient que des parties utilitaires (four à pain, boulangerie, huilerie, pressoir, moulin...).

A peine ce tour du monastère est-il terminé que retentit l'office de sexte. Celui-ci est annoncé par l'ecclésiarque (l'équivalent, dans un monastère byzantin, d'un moine sacristain), frère Alexandre, un moine qu'Anthémios ne connaît pas encore. Alexandre n'utilise pas une cloche pour signaler l'office mais une planche de bois, appelée "simandre", qu'il frappe avec un maillet. Cet objet, aux airs de gong, est celui le plus couramment utilisé dans le rite byzantin pour annoncer les offices ou les messes. 

Avant d'entrer dans l'église, Anthémios en admire la façade, son architecture et les détails de sa décoration. Il découvre une inscription en latin mentionnant que l'édifice a été consacrée durant la huitième année du règne de l'empereur Justin, c'est à dire en 526. C'est aussi l'année de la fondation du monastère. Grace à cette information, le jeune novice comprend que l'établissement compte déjà près de trois siècles d'existence. 
Intérieur de la nef de "l'église de l'est" du monastère d'Alahan 
(Wikimedia Commons - Nedim Ardoga) 

Pour la façade et ses éléments décoratifs, ainsi que la conception générale intérieure de l'église, je me suis inspiré de deux églises situées dans le monastère d'Alahan, en Cilicie, dans le sud de l'actuelle Turquie. Perché dans le Taurus, à 1 200 m d'altitude, ce monastère fut fondé fin Vème/début VIème siècle, c'est à dire peu de temps avant la fondation supposée de mon propre monastère. 
Comptant parmi les premiers monastères de l'histoire chrétienne, Alahan présente une architecture oscillant entre héritage antique et apports byzantins. Aujourd'hui (le site n'ayant été redécouvert qu'en 1961), il ne reste les vestiges que de deux églises : l'église dite des "évangélistes" et celle dite de "l'est". Toutes deux sont conçues sur un plan basilical. De la première, j'ai surtout gardé la composition des éléments de la façade : narthex soutenu par six colonnes et donnant sur trois nefs, éléments décoratifs ayant pour thème principal les évangélistes et les archanges, etc, de l'intérieur j'ai gardé la présence d'un synthronon (gradin de pierre où siègent les moines durant les offices) au fond de l'abside ; de la seconde, j'ai gardé la présence de trois portes dans le narthex, de deux colonnades corinthiennes qui séparent les trois travées et d'une abside unique entourée de deux sacristies (la prothésis et le diaconicon). Le résultat de ce "mix" donne l'église de notre monastère, censée être contemporaine de ces églises réelles du début du VIème siècle... 

A l'intérieur de l'église, Anthémios est surtout frappé par le contraste avec l'extérieur. Si tout est assez sobre au dehors, l'intérieur est couvert de fresques chatoyantes qui éblouissent le jeune garçon. La vigueur de ces peintures tranche totalement avec l'austérité de l'extérieur. Il est frappé également par l'opulence des objets du culte. Avant l'office, il prend le temps d'admirer les fresques qui l'entourent. 

Puis lorsque démarre l'office, il découvre la beauté des chants monastiques et en particulier la qualité du chantre du monastère : frère Démétrios.

L'office terminé, Georges propose ensuite à Anthémios de visiter l'église et de passer en revue ses fresques. Il lui présente d'abord Démétrios, que l'on surnomme "le colosse" dans le monastère de par sa taille imposante et de par sa ville d'origine : Rhodes. Ils vont ensuite à la rencontre d'Alexandre, l'ecclésiarque aperçu avant l'office, avant d'effectuer la visite détaillée des fresques de l'église.

Pour ce qui est des thèmes des fresques, je me suis inspiré de ceux que l'on peut trouver dans l'église de la Panagia Kera en Crète. Celle-ci est beaucoup plus récente (XIIIème siècle) que celle de notre histoire, mais c'est uniquement les thèmes des fresques que j'ai gardé, pas leur style. Par ailleurs, comme on le verra plus tard dans le roman, les fresques sont censées être beaucoup plus récentes (fin du VIIIème siècle) que le reste de l'édifice.


Staurothèque byzantine du début du IXème siècle 
(Wikimedia Commons - Metropolitan Museum of Art) 

A la fin de la visite, Anthémios effectue un dernier tour dans le transept et découvre, dans la prothésis, un précieux reliquaire en or, rehaussé d'émaux et en forme de croix. Il est fasciné par l'objet et demande à Georges ce qu'il peut bien contenir. Son maître lui apprend qu'il s'agit d'une staurothèque. C'est à dire un reliquaire contenant un fragment de la vraie croix du Christ ! Anthémios est littéralement "scotché" (si vous me passez cette expression totalement anachronique ;) en apprenant cela. La photo ci-contre vous présente un exemple de staurothèque contemporaine de l'époque du roman.
Il demande alors à Georges comment le monastère s'est retrouvé en possession d'une telle relique. Son maître lui apprend qu'elle fait partie du patrimoine du monastère depuis sa fondation. Ce sont les moines fondateurs qui possédaient cette relique, lesquels étaient originaires du Stoudios à Constantinople, l'un des principaux monastères de la capitale.

Ainsi s'achève le cinquième chapitre et ce post. Une nouvelle publication suivra le mois prochain. En attendant, je vous souhaite à tous, lecteurs, supporters ou simples visiteurs, une excellente année 2013, pleine de bonnes choses, riche dans tous les domaines et en particulier de découvertes littéraires.

A bientôt.

Olivier.        
          
      

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