samedi 20 octobre 2012

Traversez le nord de la mer Egée à bord du navire d'Anthémios et de ses compagnons !


Ce mois-ci, c'est sur mer que nous poursuivons notre voyage en compagnie d'Anthémios. Nous appareillerons de Chrysopoulis sur la côte macédonienne, à l'embouchure du Strymon, et mettrons le cap sur l'Hellespont, le nom que l'on donnait alors au détroit des Dardanelles.


Le navire de commerce qu'empruntent Anthémios, le commerçant Héraclius et son fils Procope, ainsi que le reste de leurs compagnons, quitte Chrysopoulis dès le lendemain de leur arrivée dans ce port. L'appareillage se fait dès l'aube et Anthémios - qui découvre la mer rappelons-le - est tout aussi émerveillé que la veille au soir. 

Leur trajet va les amener à traverser toute la partie septentrionale de la mer Egée, la carte ci-dessous vous permettra de retrouver leur parcours...
Rappel de l'itinéraire d'Anthémios (Photo bathymétrique de la mer Egée : Wikimedia Commons - NASA)

Au début de la traversée, le navire longe ainsi la Chalcidique, cette péninsule en forme de trident, dont la pointe la plus orientale est ponctuée par le Mont Athos. A cette époque, cette célèbre montagne pyramidale n'accueille encore aucun monastère. Pratiquement désertique, elle n'est bordée que par quelques villages de pêcheurs et n'est peuplée que de rares bergers ou par des ermites déjà attirés par l'aura mystique qui se dégage du lieu. Les premières communautés monastiques ne s'y implanteront qu'une cinquantaine d'années plus tard.
Le Mont Athos vu depuis la mer, un jour d'hiver,
tel qu'Anthémios a pu le découvrir (Wikimedia Commons - Evgeni Dinev)
 

Lorsque le navire passe à proximité du Mont, Anthémios profite peu du spectacle. En cette journée de janvier, la montagne est en partie masquée par les nuages et le garçon a le mal de mer...

Le bateau croise également plusieurs îles, à commencer par Thasos, au loin, par babord, puis surtout Lemnos, par tribord, où ils font probablement escale (je n'en parle pas dans le roman, mais on peut le supposer...) sur la côte nord. Il s'agit de la plus grande île du secteur. Et enfin, par babord, Imbros (aujourd'hui turque et renommée Gökçeada), la dernière île sur leur route avant l'entrée du détroit. 
Plage de Kardamos sur l'île d'Imbros
(Wikimedia Commons - Ggia)
Plage de Ropalos sur l'île de Lemnos (Wikimedia Commons - Alessandro Arzilli)
Ebloui, Anthémios aperçoit des dauphins nageant devant la proue du navire. Il ne connaissait cet animal que sous forme de  fresque ou de mosaïques. Le voyage, qu'il vivait jusqu'à présent plutôt avec tristesse depuis son départ de Melnik, devient une expérience extraordinaire. 
Représentation d'un dauphin bleu, espèce courante en mer Egée
(Détail d'une fresque minoéenne du Palais de la Reine
 à Cnossos, Crète : Wikimedia Commons - H. Zell)

A l'approche de l'Hellespont, l'embarcation croise un dromon, un imposant navire de guerre, cuirassé, surmonté de deux mâts et d'une tour en bois (le xylokastron), et mu par deux rangées de rames. Sa proue est flanquée d'un éperon acéré et est ornée d'une intimidante gueule de lion. Le capitaine explique alors à Anthémios que cette dernière sert à projeter du feu. Le feu grégeois en l'occurrence, une arme redoutable et qui est alors exclusivement utilisé par les Byzantins. D'ailleurs, "grégeois" en vieux français signifie "grec". Cette arme décisive donnera longtemps un avantage important à la flotte byzantine au point de faire de la mer Egée un véritable lac byzantin. 
Dromon byzantin employant le feu grégeois contre un navire de la flotte du rebelle Thomas le Slave en 822  
(Détail tiré du Codex Skylitses Matritensis, XIIème siècle, Biblioteca Nacional de Madrid : Wikimedia Commons )


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La composition du feu grégeois (mélange de naphte, de salpêtre, de soufre et de bitume, notamment) était un secret hautement confidentiel aux yeux de l'état-major byzantin... on parlerait aujourd'hui d'information classée "Top Secret Défense"... A tel point que son secret finira par se perdre plus tard, à la fin du Moyen-âge, avec l'apparition de la poudre... 
En occident, on ne redécouvrit sa composition que par hasard au XVIIIème siècle. C'est un joaillier de Grenoble, du nom d'Antoine Dupré qui en fit par accident l'expérience en faisant fondre des cristaux de roche, lesquels devaient contenir du salpêtre et du bitume. 


Comprenant le pouvoir destructeur de sa découverte, il en fit part à l'Etat major et au roi Louis XV. Mais le souverain fut tellement horrifié par cette arme qu'il décida par humanisme de faire oublier cette découverte en achetant le silence du joaillier, cela en lui versant une rente annuelle. Plus tard, au XXème siècle, les hommes n'eurent pas les mêmes scrupules en inventant le lance-flammes puis le  napalm...
Vue du détroit des Dardanelles depuis un bateau,
tel que peut l'avoir découvert Anthémios (Wikimedia Commons - Nerval)

Le bâtiment laisse rêveur Anthémios, mais ce dernier revient vite à la réalité en découvrant l'entrée du détroit. A sa gauche, il aperçoit la rive européenne (la péninsule de  Gallipoli, alors dénommée Chersonèse de Thrace) et à sa droite le bord asiatique du détroit (la Troade, contrée d'Asie mineure qui doit son nom à la ville de Troie). C'est du côté européen que se trouve le monastère qu'il s'apprête à rejoindre.  
Phrixos, sur le dos de Chrysomallos,
tentant de rattraper Hellé
(Wikimedia Commons - Immanuel Giel) 

Alors que le navire se rapproche du port, Anthémios discute avec Héraclius et son fils Procope. Ses interlocuteurs lui racontent l'Histoire et les légendes liées à la région. Ils lui rappellent ainsi que Troie se situe tout près, sur la rive asiatique, et que l'Hellespont doit son nom à la légende d'Hellé et de Phrixos. C'est en effet dans ce bras de mer que chuta la malheureuse Hellé tandis qu'elle fuyait avec son frère Phrixos sur le dos de Chrysomallos, le bélier ailé aux cornes et à la toison d'or (celle que rechercheront plus tard les Argonautes...). Selon la mythologie, les deux enfants venaient d'échapper au sacrifice que leur réservait leur père, le roi Athamas, sous l'influence de leur terrible belle-mère Ino. Phrixos parvint à s'échapper en s'accrochant au dos de l'animal fabuleux, jusqu'en Colchide (l'actuelle Géorgie, que les Byzantins désignaient Ibérie à l'époque d'Anthémios) mais pas sa soeur qui périt donc dans le détroit.

Anthémios débarque au Cap Hellés, l'extrémité de la péninsule de Gallipoli, dans le port d'un village surmonté d'une forteresse chargée de surveiller l'entrée du détroit et situé près de l'antique Elaious (plus connue sous le nom d'Eléonte). Là, il est accosté par une mendiante qui lui propose de lui lire les lignes de la main. Anthémios refuse, mais la vieille le met en garde contre le monastère qu'il va rejoindre, prétendant qu'il est maudit. Héraclius la chasse sans ménagement et la traite de sorcière mais Anthémios est néanmoins frappé par cette étrange révélation.

Il reprend ensuite sa monture et, accompagné de Héraclius et de Procope, se dirige vers le monastère situé à l'intérieur des terres dans la péninsule. Le chemin est accidenté et la progression est assez lente. Ils finissent par atteindre un plateau, traversent une oliveraie et découvrent enfin le monastère dissimulé là. Anthémios atteint ainsi sa destination finale.

Le jeune garçon peut observer la masse austère du couvent ainsi que ses dépendances situées à proximité : écuries, chapelle et auberge (le xénodochéion). C'est au sein de cette auberge qu'Anthémios va passer la nuit, tout comme ses accompagnateurs. Il rencontre Serge, le moine hôtelier, à qui il remet un message de son père à l'attention de l'higoumène, le supérieur du monastère qu'il doit rencontrer le lendemain matin. Mais ceci est l'objet du chapitre suivant, nous l'aborderons lors d'un nouveau post...

A bientôt,

Olivier.      



  

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