Un nouvel extrait de "La découverte de Gallipoli" !
Ce mois-ci plutôt qu'un traditionnel post, je vous propose de découvrir un nouvel extrait du Tome 2 ! A un mois de la clôture du financement de l'e-book il est grand temps que vous en découvriez un peu plus sur ce nouvel opus.
Il s'agit du deuxième chapitre, intitulé "L'entrée du pays des morts", dans lequel se situe la scène de la découverte d'un caveau byzantin en 1915 par des soldats français aux Dardanelles. Les objets qu'ils emportent avec eux, des icônes en l'occurrence, sont porteurs de la malédiction révélée dans le 1er tome par Anthémios. C'est cette découverte malencontreuse qui va ainsi propager et libérer cette malédiction. En cela, ce chapitre constitue en quelque sorte le pitch de départ de toute la saga et il est donc particulièrement pertinent et intéressant que vous le découvriez.
Cliquez sur le lien "Plus d'infos" pour le lire dans son intégralité.
Pour rappel, le premier chapitre est disponible sur www.bookly.fr
Vous avez donc désormais la possibilité de lire les deux premiers chapitres de ce deuxième tome, soit environ les 35 premières pages. De quoi vous faire une meilleure idée de ce deuxième volet, et vous décider à participer à sa coédition je l'espère.
A très bientôt et bonne lecture !
Olivier
Ce mois-ci plutôt qu'un traditionnel post, je vous propose de découvrir un nouvel extrait du Tome 2 ! A un mois de la clôture du financement de l'e-book il est grand temps que vous en découvriez un peu plus sur ce nouvel opus.
Il s'agit du deuxième chapitre, intitulé "L'entrée du pays des morts", dans lequel se situe la scène de la découverte d'un caveau byzantin en 1915 par des soldats français aux Dardanelles. Les objets qu'ils emportent avec eux, des icônes en l'occurrence, sont porteurs de la malédiction révélée dans le 1er tome par Anthémios. C'est cette découverte malencontreuse qui va ainsi propager et libérer cette malédiction. En cela, ce chapitre constitue en quelque sorte le pitch de départ de toute la saga et il est donc particulièrement pertinent et intéressant que vous le découvriez.
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Vous avez donc désormais la possibilité de lire les deux premiers chapitres de ce deuxième tome, soit environ les 35 premières pages. De quoi vous faire une meilleure idée de ce deuxième volet, et vous décider à participer à sa coédition je l'espère.
A très bientôt et bonne lecture !
Olivier
CHAPITRE II
L’entrée du pays des
morts
5
Saudal
ne savait finalement pas grand chose de la découverte de ces objets, hormis la
version que Lacourt lui en avait faite. Celle-ci s’était avérée bien succincte.
Le 1ère classe avait préféré ne dire que l’essentiel, non par souci
de concision ou de synthèse, mais pour taire les nombreux phénomènes étranges
qu’il avait pu constater depuis que ces éléments avaient été découverts.
Cette
découverte fut, en effet, beaucoup plus mouvementée que ce que Lacourt avait
bien voulu en dire. Il avait tu de nombreux faits forts étranges qui l’avaient
grandement troublé. Il s’était enfin abstenu de lui dire que ces objets étaient
passés de main en main depuis leur mise au jour, et que chacune, l’une après
l’autre, avait fini par trouver la mort.
Savoir
tout cela aurait sans doute permis au capitaine de mieux comprendre ce que
lui-même allait endurer les semaines suivantes et de mieux cerner cette
étrange relation qu’il allait entretenir avec ces objets envoûtants.
De son
côté, le soldat Lacourt s’était senti libéré après avoir laissé les icônes à
Saudal. Il était soulagé de ne plus être le détenteur de ce coffret et de son
intrigant contenu et satisfait, dans le même temps, d’avoir transmis ces objets
historiques à sa hiérarchie qui saurait les mettre en sécurité et les léguer à
des spécialistes compétents.
La mise
au jour de ces éléments remontait à début juin. Quelques jours plus tôt, les
troupes britanniques et françaises avaient échoué dans leur nouvelle offensive
sur Krithia[1].
Les alliés étaient plus que jamais bloqués, et demeuraient dans l’incapacité
d’avancer significativement sur cette péninsule si bien défendue par les
troupes turques. Bien équipés et parfaitement encadrés par des conseillers
allemands, les Ottomans faisaient preuve d’une résistance acharnée et
parvenaient à repousser la plupart des tentatives alliées, faisant de cette
presqu’île une forteresse inexpugnable. Près d’un mois et demi après leur
difficile débarquement lancé le 25 avril, les alliés
n’étaient toujours pas parvenus à effectuer une véritable percée, ils
n’occupaient que l’extrémité de la péninsule et devaient se contenter de ne
tenir qu’une fine et fragile bande côtière qui ne s’enfonçait que de quelques
kilomètres à l’intérieur des terres. Les Turcs tenaient les hauteurs et étaient
en mesure de mettre constamment la pression sur les camps alliés : même
les positions les plus éloignées n’étaient pas à l’abri d’un obus ou d’une
balle perdue.
Ce jour-là, alors que le soir pointait lentement et que le 2ème
RMA était en première ligne depuis trois jours, le 3ème bataillon du
régiment avait été chargé de procéder à une rectification de tranchée afin de
faire disparaître un angle mort. Il était aidé en cela par quelques hommes du 1er
bataillon ainsi que par quelques tirailleurs sénégalais esseulés du 7ème
Régiment Mixte d’Infanterie Coloniale[2]. Les tirs turcs gênaient
souvent les travaux, et le général Gauneval, venu les inspecter, fut d’ailleurs
tué d’une balle au front. Après plusieurs heures de labeur effectuées le plus
discrètement possible pour ne pas attirer l’attention de l’ennemi, la
rectification était presque réalisée. Parmi ces soldats à l’ouvrage, un petit
groupe de cinq hommes était situé un peu à l’écart du détachement. Ceux-là
étaient en train de percer un boyau annexe, une ramification vers un autre
passage déjà creusé non loin de là. Ce groupe était composé de deux tirailleurs
et de trois zouaves du premier bataillon, dont un sous-officier. Ils étaient au
pied d’une petite proéminence située dans ce qui restait d’une oliveraie, aux
arbres sans doute millénaires, lorsque l’un d’eux frappa avec sa pioche sur une
dalle. Elle était placée verticalement, ce qui intrigua le soldat. Poursuivant
son excavation, il parvint à déplacer la dalle et à dégager l’entrée d’un petit
souterrain. Il alerta aussitôt ses camarades, et s’adressa plus
particulièrement au sous-officier.
-
Mon adjudant, venez
voir ce que je viens de trouver ici, c’est étrange.
-
Qu’est ce qu’il y a
Benhamou ? T’as trouvé du pétrole ? lui répondit le sous-officier de
son accent rocailleux de l’Ariège.
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L’autre zouave - qui n’était autre que Lacourt - et les
deux tirailleurs avaient interrompu leur travail et s’étaient approchés,
curieux d’observer ce que leur voisin avait trouvé.
-
Regardez, ça ressemble
à l’entrée d’un petit tunnel, continua Benhamou en feignant d’ignorer la
plaisanterie de l’adjudant.
Le sous-officier se fit plus sérieux et surtout plus
méfiant, il empoigna son revolver et l’arma.
-
C’est peut-être un
passage creusé par l’ennemi,
déclara-t-il.
Il hésita un court instant puis retira de
sa musette un
briquet qu’il
tendit, ainsi que son revolver, à l’un des deux tirailleurs.
-
Il faut aller vérifier
de quoi il s’agit. Tiens, N’Diaye, va voir ce qu’il y a là dedans, ça doit bien
mener quelque part, dit-il au Sénégalais en lisant la plaque qui pendait au cou
de ce dernier.
Le tirailleur n’osa pas contredire l’ordre de ce
sous-officier qui n’était pourtant pas de son régiment. Il n’était pas du tout
enchanté de devoir se charger de cette mission, craignant probablement de se
retrouver nez à nez avec quelques Turcs embusqués dans cette cache, pourtant il
obtempéra rapidement et se mit à genoux afin d’entrer dans le réduit.
S’éclairant du briquet qu’il portait vers l’avant, de la main gauche, et tenant
le revolver de la main droite, N’Diaye s’engouffra dans l’entrée, méfiant mais
décidé, et finit par disparaître à l’intérieur.
De longues secondes passèrent, sans qu’aucun bruit ne
parvienne de l’intérieur. Ceux restés dehors commençaient à s’inquiéter et
attendaient les résultats de l’exploration. Lorsque N’Diaye ressortit enfin du
tunnel, il semblait affolé, son visage était blême et ses yeux hagards,
provoquant l’étonnement et le sarcasme de l’adjudant.
- Eh Ben, alors,
Mamadou, t’as vu un fantôme ou quoi ?
N’Diaye bredouilla quelques mots d’un air déboussolé.
-
Faut… Faut pas entrer
là-dedans, mon adjudant. C’est… C’est l’entrée du pays des morts…
-
Qu’est-ce que tu me
chantes là, couillon ? l’invectiva le sous-officier.
-
On va s’attirer le
malheur si on pénètre là, ajouta N’Diaye.
N’en pouvant plus, le gradé reprit son briquet et son arme
de main.
-
Donne-moi ça,
maugréa-t-il.
Il pénétra à son tour dans le passage. Le briquet éclairait
faiblement le tunnel, l’adjudant constata néanmoins qu’il ne s’agissait pas
d’une simple galerie creusée dans le sol, mais d’un conduit véritablement
aménagé et maçonné, ce qui l’intrigua quelque peu. Il avança ainsi sur environ cinq
ou six mètres et trouva une plaque de métal dont l’oxydation masquait
partiellement des inscriptions grecques. Il s’en désintéressa rapidement, la
jeta par devant lui et poursuivit son avancée. Arrivé à l’extrémité du passage,
il tomba sur un squelette humain. Cette première découverte fut aussitôt suivie
d’une deuxième, puis d’une troisième et de bien d’autres encore : le
tunnel débouchait sur une salle de la taille d’un petit bunker qui semblait
entièrement remplie de squelettes. Ce caveau devait compter environ une
vingtaine de corps, tous entassés en vrac, sans souci visible de les aligner
d’une quelconque manière. La flamme projetait les ombres de ces macchabées sur
les murs, et son ondulation leur donnait un mouvement de vie qui fit sursauter
légèrement le sous-officier. Il était stupéfait de cette découverte, puis, tout
à coup, il fut saisi d’effroi et tomba en arrière : face à lui, au fond de
la pièce, un visage barbu l’observait fixement avec de grands yeux blancs
immaculés, tel un hibou dans la nuit. Il constata rapidement que le spectre
qu’il croyait avoir vu, et qui l’observait, n’était en réalité qu’une icône, au
regard à la fois inquisiteur et bienveillant, posée contre le mur du fond. A
peine remis de sa frayeur, il recula instinctivement, surpris par cette vision.
Il jeta un rapide coup d’œil sur cette image qui représentait un saint homme,
qu’il n’était pas en mesure d’identifier. Il remarqua également que de nombreux
autres objets sacrés étaient entassés au fond de la salle, dans un triste état
pour la plupart : brisés ou tailladés. Il ne les contempla pas longtemps
et jura.
- Ces satanées bondieuseries m’ont fichu la frousse.
Les deux zouaves finirent par le rejoindre et firent à leur
tour la découverte des lieux. Les deux tirailleurs préférèrent, eux, rester à
l’extérieur. Benhamou avait apporté une lampe qui permit d’éclairer la totalité
de la salle. Les visiteurs purent ainsi observer plus en détail les squelettes
et le volume de la pièce.
Alors qu’il était à peine arrivé dans le caveau, Benhamou
laissa éclater sa stupéfaction.
-
Ben, ça alors !
Qu’est-ce que c’est que ce trou à rats ?
Vous pensez que c’est une fosse où les Turcs ont enterré leurs cadavres, mon
adjudant ?
-
Ne dis pas de
conneries, Benhamou. Tu vois bien que ce sont des squelettes très anciens et
qu’ils ne portent pas d’uniformes. Et surtout, dis moi, est-ce que ça sent la
charogne là dedans ? Non, tu vois
bien, s’énerva-t-il.
-
C’est vrai que
contrairement à dehors, ici ça ne sent pas le cadavre en décomposition,
reconnut Benhamou.
-
Cela fait probablement
un grand nombre d’années que ces macchabés sont là, poursuivit le
sous-officier. Il ne s’agit visiblement pas d’une tombe, car vu la façon dont
sont disposés les corps on a plutôt l’impression d’un charnier.
Lacourt, qui s’était tu jusqu’à présent, prit alors la
parole pour une intervention qui révéla une plus grande culture que celle de
ses interlocuteurs.
-
Ils sont là depuis le
Moyen Age, dit-il d’abord. Ces icônes et ces objets, qui sont probablement
contemporains de ces squelettes, sont d’une facture très ancienne, certainement
du Haut Moyen Age. En tout cas, elles sont sans hésitation possible d’origine
byzantine, conclut-il enfin.
Benhamou, interloqué et fidèle à son tempérament exubérant,
s’exclama.
-
Merde, tu veux dire que
tout ce bazar daterait du Moyen Age ! Et que ça fait peut-être près de
mille ans que tout ça est là ! C’est incroyable.
Le
gradé reprit alors la parole.
-
Du Moyen Age ou pas,
en tout cas, ces gars ne sont pas morts en douceur. Regardez, dit-il en désignant
un squelette auquel il manquait la tête, tranchée de toute évidence. Et celui
là, continua-t-il en montrant un crâne fracassé d’une faille béante.
Ils continuèrent ainsi leur inventaire : Lacourt
découvrit une pointe de lance fichée entre deux côtes ; Benhamou tomba sur
une épée dans un reste de bassin.
Seul Lacourt semblait s’intéresser à l’aspect archéologique
de cette découverte, et observa longuement ces objets. Il s’intéressa notamment
à l’icône qui avait effrayé le sous-officier, et déchiffra l’inscription qui y
figurait : Aghios Andreas
-
Celle-ci représente
saint André, dit-il à qui voulait l’entendre.
Cette information n’intéressa guère ses compagnons, tout au
plus l’adjudant lui posa quelques questions sur ses connaissances.
-
Tu lis le grec
toi ? Comment tu sais tout ça ?
Lacourt estimant que ces questions ne méritaient pas de
réponses l’ignora et continua ses propres observations en se jurant qu’il les
garderait désormais pour lui. Après quelques secondes de silence, Benhamou
reprit la parole en se frottant l’épaule et la poitrine, comme pour les
réchauffer.
- Dites, vous ne trouvez pas qu’il commence à faire frais
là-dedans ?
Le sous-officier grommela en guise d’approbation, puis
compléta sa réponse.
- C’est vrai. J’ai la chair de poule depuis quelques
instants. C’est bizarre car ce caveau est clos, il ne semble communiquer avec
aucune galerie, ou aucun passage visible qui pourrait créer un courant d’air et
le rafraîchir.
- C’est effectivement bien étrange, mon adjudant, confirma
Lacourt. C’est comme si cette pièce s’était refroidie d’elle-même, reconnut-il
alors qu’un léger panache de vapeur sortait de sa bouche lorsqu’il parlait.
Soit il y a quelque part un courant d’air caché, soit c’est simplement nous qui
avons l’impression d’avoir plus froid, mais je ne crois pas à cette dernière
possibilité, poursuivit-il enfin.
- Moi, en tout cas,
je me les gèle et c’est pas une impression, rétorqua Benhamou mettant fin à ce
sujet qu’il avait lui-même introduit.
Les investigations se poursuivirent alors et Lacourt finit
par tomber sur la plaque métallique que Castaing avait jetée auparavant.
Celle-ci attira grandement son attention. Il vit qu’elle était gravée
d’inscriptions et tenta de la déchiffrer.
- Voilà qui est intéressant, annonça-t-il à ses compagnons.
Cette plaque ressemble en tout point à une tablette de défixion.
- Et c’est quoi ça,
une tablette de défixion ? grimaça le sous-officier.
- Ce sont des
plaques que les Grecs ou les Romains de l’Antiquité déposaient en différents
lieux en vue de lancer une malédiction. Généralement, quand ils en déposaient
dans une tombe c’était dans le but d’en maudire l’occupant ; de faire en
sorte qu’il ne trouve jamais le repos même dans l’Au-delà.
- Tant que ce n’est
pas pour maudire ceux qui y pénètrent, rétorqua l’adjudant.
- Pour m’en
assurer il faudrait que je puisse lire ce qui y est gravé, mais le métal dont
elle est faite – du plomb sans aucun doute – est très oxydé, il est donc
difficile d’y lire quelque chose, déclara Lacourt avant de se pencher avec
attention sur les inscriptions.
- Peu de mots sont lisibles, je n’y trouve que quelques
bribes de phrases dont les tournures ne me sont pas familières. C’est
probablement du grec médiéval et non pas antique, ce qui serait cohérent avec
les autres pièces que l’on trouve ici, annonça-t-il avant de se replonger
encore dans le texte.
- Et est-ce que tu parviens quand même à lire quelque
chose ? demanda alors Benhamou.
- Rien ou presque. Il y a juste cette formule très
caractéristique « Maskelli, Maskello »,
qui me confirme qu’il s’agit bien d’une tablette de malédiction. C’est une
expression ou une invocation magique qui est censée favoriser l’accomplissement
du sort, un peu comme « Abracadabra ».
La plaque ne retint pas plus longtemps l’intérêt de Benhamou
et de Castaing qui se remirent à fouiller le lieu. Lacourt, lui-même, n’insista
pas, tant la tablette était illisible. Il la glissa dans sa poche, en se disant
qu’il pourrait sans doute mieux la décrypter plus tard dehors, à la lumière du
jour.
Alors que Benhamou et le sous-officier s’apprêtaient à
ressortir du réduit en inspectant encore vaguement les lieux, les deux hommes
tombèrent sur un coffret en ivoire. L’objet était poussiéreux mais finement ouvragé.
L’adjudant s’en empara aussitôt avec frénésie.
- Vous pensez que ce peut être un trésor, mon adjudant ?
demanda Benhamou avec la même avidité que celle qu’avait laissée transparaître
le sous-officier en se saisissant du coffret.
- Je n’en sais rien.
Il va falloir ouvrir pour le savoir, lui répondit le gradé. Voyons voir comment
ça s’ouvre cette affaire. C’est un simple loquet, on va donc être fixés très
vite, dit-il après avoir jaugé le système de fermeture du coffret.
Il parvint effectivement à l’ouvrir sans difficulté et
Benhamou vint approcher la lampe pour mieux en apprécier le contenu. La déception fut lisible sur le visage des
deux intéressés lorsqu’ils firent le constat qu’il ne contenait que de
nouvelles icônes. Aucune pièce d’or, ni le moindre bijou susceptible de
s’apparenter à un début de trésor.
-
Encore des bondieuseries !
râla l’adjudant.
Benhamou ne disait rien mais n’en pensait pas moins. Ils
s’en désintéressèrent rapidement et le sous-officier les reposa au sol. Lacourt
les récupéra alors pour mieux les observer.
-
Elles sont admirables,
dit-il après les avoir appréciées un instant. Leur qualité artistique et leur
excellent état de conservation en font des pièces rares. Elles sont totalement
intactes, et n’ont pas été ravagées comme les autres. A cela s’ajoute leur
style relativement archaïque qui témoigne d’une datation, là encore, plutôt
ancienne. La place de ces pièces est dans un musée, comme du reste toutes les
pièces que contient ce caveau.
Ces informations ravivèrent l’intérêt des deux autres
zouaves.
-
C’est une découverte
remarquable, les byzantinistes seront ravis de pouvoir étudier ces objets. Il
faut en avertir immédiatement l’état-major, poursuivit Lacourt.
A ces mots, les yeux de Benhamou et du gradé se braquèrent
sur lui, se faisant plus menaçants encore que les fusils turcs embusqués
dehors, à quelques centaines de mètres de là.
-
Crétin. On aura
beaucoup plus à gagner à garder pour nous ces pièces et à les revendre aux plus
offrants à la première occasion, à Constantinople ou je ne sais où, qu’à les
confier à ces idiots de l’état-major, pesta l’adjudant.
Le gradé reprit alors avec autorité le coffret des mains de
Lacourt. Ce dernier tenta de les raisonner.
-
Mais ce serait une
perte pour la connaissance de cette époque. Ces pièces peuvent révéler des
informations qui valent de l’or.
Castaing n’écouta même pas Lacourt, glissa le coffret sous
son aisselle et alluma une cigarette qu’il avait roulée à l’extérieur, autant
pour montrer son dédain que pour se réchauffer. C’est Benhamou qui se chargea
de répliquer, appuyant ainsi la position de l’adjudant.
- De l’or ?
Tu crois que c’est en cherchant des vieilleries pour la science, ou en
fouillant des vieux cailloux que tu vas trouver de l’or ? se railla-t-il
de Lacourt. Tu sais ce que tu vas trouver si tu fouilles de vieux cailloux ?
Le jeune zouave, exaspéré, ne répondit pas et Benhamou
apporta lui-même la solution à sa question.
- Des vieux
cailloux, rien d’autre ! Crois-moi, gamin, si tu veux trouver de l’or,
commence par chercher de l’or !
- L’or que je cherche n’est pas le même que le vôtre,
objecta Lacourt. Le mien est d’une autre valeur : mon trésor c’est
l’archéologie.
- L’archéologie ! répéta avec emphase Benhamou, en
écarquillant les yeux, comme si ce mot, trop grand pour sa bouche, lui
causait souffrance.
Cette
intervention ironique fit sourire le sous-officier et décontenança
Lacourt.
Dehors,
les bombardements avaient repris sur les premières lignes françaises, faisant
résonner le caveau de fréquentes et sourdes secousses. La zone était visée et
certains obus tombaient non loin du boyau. Les tirailleurs appelèrent alors les
zouaves pour les inciter à sortir et évacuer d’urgence les lieux. Gagner la
deuxième ligne paraissait plus sûr que de rester dans un boyau inachevé, fusse
à l’abri d’un vieux caveau. D’autant que du plafond de cet abri commençaient à
filer de fines coulées de terre, au gré des explosions. Cette cache ne semblait
guère fiable, il fallait l’évacuer.
Les
trois zouaves ne se sentaient pas beaucoup concernés par ce qui se passait
dehors, et ne tinrent pas compte immédiatement des injonctions des deux
tirailleurs. Ils en étaient encore à s’expliquer au sujet de ce qu’il convenait
de faire vis-à-vis de ces objets. La discussion tourna définitivement en
défaveur de Lacourt. A un contre deux, dont un gradé, il n’avait pu faire
valoir son point de vue. Ils gardèrent donc le coffret avec eux et s’emparèrent
des autres pièces, en priorité les mieux conservées. Benhamou passa en revue
avec sa lampe l’ensemble de la salle, afin de vérifier qu’elle ne recelait plus
rien de revendable. Soudain, il se retourna en sursaut, puis s’adressa au
sous-officier.
-
Qu’y a-t-il mon adjudant ?
-
Quoi ? répondit étonné Castaing.
-
Eh bien, vous venez de me saisir l’épaule,
poursuivit Benhamou.
-
Moi ? Mais pas du tout.
-
Alors c’est toi, Lacourt ?
-
Non, tu vois bien que je suis trop loin de toi.
-
Pourtant, je ne suis pas fou, j’ai bien senti
quelqu’un me serrer fermement l’épaule, dit-il en commençant à s’affoler.
-
Tu cherches à nous faire peur avec tes
couillonnades, Benhamou ? Allons, continuons de chercher, il y a sûrement
d’autres choses intéressantes à trouver, rétorqua le sous-officier.
Pas
rassuré, Benhamou se remit à fouiller les lieux. Après avoir inspecté la
totalité du sol, il porta la lampe plus en hauteur, dans l’espoir que les murs eussent
comporté des niches où d’autres objets auraient été placés. Il éclaira ainsi le
mur face à lui, et y jeta un coup d’œil. Il poussa aussitôt un cri
d’effroi : sur ce mur, qu’il avait vu encore totalement vierge quelques
minutes plus tôt, étaient en train d’apparaître des inscriptions ensanglantées.
Sous ses yeux, une main invisible traçait avec un rythme énergique des
caractères grecs dans une encre faite de sang.
Le cri
de Benhamou fit sursauter ses deux camarades qui se tournèrent vers lui. Ils le
virent reculer précipitamment et
désigner du doigt le mur, et aperçurent à leur tour le message en cours
d’écriture. Ils laissèrent échapper eux aussi un cri de stupeur et s’enfuirent
aussitôt, n’emportant que le coffret aux deux icônes. Lacourt eut néanmoins un
bref réflexe avant de s’engouffrer dans le tunnel derrière ses deux compagnons
d’infortune : tenter de déchiffrer ce qui était en train de s’écrire sur
le mur. Il saisit quelques mots au passage, mais la peur était trop forte et il
finit par rejoindre les autres dehors.
Terrorisés,
ils sortirent promptement du tunnel et s’enfuirent dans le boyau sans
précaution, faisant fi des bombardements et des Turcs, qui repérèrent bien vite
leur mouvement et qui orientèrent alors prioritairement leurs tirs en direction
de ce groupe imprudent. Les tirailleurs, qui s’étaient tapis dans le boyau près
de l’entrée du tunnel en attendant que les zouaves ne daignent enfin sortir,
furent étonnés et surtout agacés par cet empressement qu’ils jugeaient dangereux.
Ils finirent néanmoins par emboîter le pas des fuyards. Bien leur en pris, car
quelques secondes après qu’ils ont quitté les lieux, deux obus de gros calibre
vinrent s’abattre successivement sur l’abri, le pulvérisant totalement et y
laissant un immense cratère. Les cinq
hommes s’en tirèrent miraculeusement. Le danger pour eux était désormais
essentiellement les tirs de snipers, pour qui les chéchias rouges des tirailleurs en fuite constituaient des cibles
mobiles de choix. Les balles sifflèrent aux oreilles des cinq fuyards, les
frôlant même parfois, mais les épargnèrent jusqu’à ce que le dernier d’entre
eux soit frappé par l’une d’elles dans le dos. Le tirailleur s’effondra
immédiatement et lâcha un cri étouffé qui suffit à alerter N’Diaye devant lui.
Ce dernier se retourna et vint porter secours à son camarade. Les zouaves
étaient, eux, déjà loin.
-
Moussa ! cria-t-il d’un ton inquiet en
courant le rejoindre.
Le
tirailleur touché tenta de le rassurer en lui disant qu’il allait bien et qu’il
fallait le laisser.
-
Maa
ngi fi… Bayi ma…
Ces
quelques mots wolofs prononcés péniblement et entrecoupés ne rassurèrent pas
N’Diaye, d’autant plus qu’il voyait bien que son camarade Moussa était déjà à
moitié inconscient. N’Diaye tenta alors de le faire parler pour éviter qu’il ne
flanche et s’évanouisse.
-
Waxal
ma, Moussa ! Waxal ma, sama
xarit !
Waxal ma !
Les
injonctions de N’Diaye furent sans effet : Moussa perdit connaissance mais
respirait encore. N’Diaye passa son Lebel[3]
en bandoulière, puis souleva son camarade sur son épaule, et avança le plus
vite et le plus discrètement possible en direction de la tranchée principale de la première ligne tenue par le 2ème
RMA. Il cherchait à le mettre dans un lieu plus sûr avant de pouvoir
compter sur une assistance médicale Quelques balles frappèrent le parapet du
boyau, tout près d’eux, mais ils purent, tant bien que mal, atteindre la
tranchée sans dommage.
Ils y
retrouvèrent les trois zouaves qui étaient encore sous le coup de leur terreur et
qui ne pouvaient décrocher le moindre mot, comme s’ils étaient entrés dans un
mutisme tacite autour de ce qu’ils avaient vécu. N’Diaye était furieux contre
eux, mais il ne dit rien en les voyant : la priorité était d’aider Moussa.
-
Brancardiers ! Brancardiers !
hurla-t-il en apercevant à l’autre bout de la tranchée des équipes de secours
en train de porter des blessés.
Moussa
fut pris en charge par des brancardiers sénégalais après de longues minutes
d’attente, et acheminé en urgence jusqu’à Seddul-Bahr, à l’hôpital de campagne,
où il décédera dans la nuit.
Une fois
seul face aux trois zouaves, N’Diaye exprima enfin son ressentiment.
-
Bravo ! A cause de vous Diop s’est fait
tirer dessus. Il est gravement touché. Qu’est ce qui vous a pris de partir
comme ça ? Les Turcs nous ont vite vus, ça a été facile pour eux.
Aucun
des zouaves ne répondit, ils restaient impassibles, ils étaient encore trop
marqués par ce qu’ils avaient vu dans le caveau. Le reste ne comptait plus.
Ils
avaient bien du mal à réaliser ce qu’ils avaient vécu, ou cru vivre, car
peut-être avaient-ils été victimes d’une hallucination collective ?
En tout
état de cause, l’adjudant avait pris soin de dissimuler dans sa musette le
coffret. Ce dernier était le seul objet du caveau qui avait pu être épargné – exception faite de la tablette que Lacourt portait sur
lui - et constituait l’unique
témoignage concret de cette découverte. Il symbolisait également le secret qui
liait désormais l’adjudant Castaing et deux de ses hommes : les zouaves
Benhamou et Lacourt.
[1]
Village situé à l’ouest de la péninsule de Gallipoli, à l’intérieur des terres,
habituellement peuplé de villageois de souche grecque, et qui fut évacué par les autorités militaires ottomanes en
prévision des combats, comme le furent du reste toutes les localités de la
presqu’île.
[2]
Le 7ème RMIC est un régiment spécialement constitué pour
l’Expédition des Dardanelles, rattaché à la 2ème Division
d’Infanterie du CEO, comme le 2ème RMA. Ce régiment est formé d’un
bataillon d’infanterie coloniale et de
deux bataillons de tirailleurs sénégalais basés initialement en Afrique du
Nord.
[3]Nom
du principal fusil utilisé dans l’infanterie française pendant la Grande Guerre , et
qui le sera encore partiellement jusqu’à la Seconde Guerre
Mondiale.
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